“The interview” : l’occasion manquée de Sony.
La sortie VOD de “The interview” aux Etats-Unis seulement est symptomatique des difficultés des majors d’Hollywood à imaginer des solutions…
La sortie VOD de “The interview” aux Etats-Unis seulement est symptomatique des difficultés des majors d’Hollywood à imaginer des solutions innovantes et mondiales de distribution pour leurs films.
C’est LE film dont la Terre entière parle en cette fin d’année 2014 : “The interview”, bromance potache avec Seth Rogen et James Franco se déroulant en Corée du Nord. Mais si tout le monde en parle, ce n’est pas pour ses qualités, mais parce qu’il est au centre du SonyHack, le piratage des serveurs de Sony par des hackers informatiques. Je ne vais pas revenir sur toute l’affaire pour juste rappeler que Sony avait annulé la sortie ciné de “The interview” sous la pression des hackers, ce qui avait provoqué une déferlante de réactions jusqu’au sommet de l’état américain. Finalement, “The interview” est bien sorti aux Etats-Unis dans certaines salles mais aussi en VOD sur Google Play, Youtube et directement sur un site spécial le 25 décembre 2014. Mais aux Etats-Unis seulement.
Sony, de mauvaises idées en pagaille…
Certes, c’est facile de taper sur Sony qui a décidément eu une bien mauvaise année 2014, tant dans ses décisions au niveau de ses films et de ses projets de films (rappelez-vous le spin-off envisagé de Spiderman autour de Tante May) que dans les évènements indépendants de sa volonté (le piratage de ses données, de ses futurs films). Mais Sony a réussi à transformer “The interview”, un film au buzz mondial, en sortie day-and-date déjà ratée. Il est trop tôt pour savoir les chiffres de la sortie VOD mais sur le papier, Sony a fait une erreur monumentale en ne le sortant qu’aux Etats-Unis.
S’il y a bien une vérité universelle dans le domaine de la distribution des films, c’est celle-ci : “Si le film sort en VOD aux Etats-Unis, il sera disponible dans l’heure qui suit en version piratée sur les sites de streaming et de torrents”. Cette vérité entraine des tas de complications notamment pour les distributeurs français qui doivent exploiter des films américains en France en jetant des coups d’oeil inquiets outre-Atlantique sur la date de sortie VOD de leurs films. Parce qu’une fois que le film est disponible en ligne, sa distribution dans le monde entier en pâtit forcément.
Dans le cas de “The interview”, Sony US a flingué l’exploitation du film dans le reste du monde pour ses filiales le 25 décembre en décidant de cette sortie day-and-date un peu précipitée. Un sacré cadeau de Noël. Disponible dans la foulée en torrent, le film caracole actuellement en tête des films les plus téléchargés illégalement, avec un bouche-à-oreille pas forcément très emballé, ce qui ne facilitera pas la tâche de Sony France quand il devra promouvoir le film lors de sa sortie en France en avril prochain. Les sites médias français relaient d’ailleurs bien souvent la mise en ligne du film sans mentionner que le film n’est disponible qu’aux Etats-Unis.
Cette sortie exclusive aux Etats-Unis frustre les gens du monde entier qui auraient voulu le voir en même temps que les autres et entraine de fait un piratage de masse… par des gens qui ne sont pas aux Etats-Unis. Je suis prêt à mettre ma main à couper que les gens qui téléchargent illégalement “The interview” ne sont pas des Américains mais des gens du reste du monde qui ne peuvent pas attendre une sortie “en bonne et due forme” sur leur territoire, comme des spectateurs de seconde zone.
Qu’aurait dû faire Sony pour “The interview” ? C’est simple : une sortie mondiale en VOD pour capitaliser sur le buzz mondial (pas seulement américain) du film. Sony aurait pu/dû mettre son film sur toutes les plates-formes, des plus importantes aux plus petites, dont certaines se sont proposées en plus pour accueillir le film, contrairement à ce qu’avait déclaré Sony. Cela aurait marqué une première dans le domaine de la sortie d’un film par une major. Si cette sortie mondiale n’aurait pas évité le piratage du film, elle aurait au moins donné la possibilité aux spectateurs du monde entier le choix de payer pour le film, là où ceux-ci en sont désormais réduits à attendre pour voir hypothétiquement “le-film-dont-tout-le-monde-parle” ou à le pirater. Et le choix est vite fait, couplé en plus au sentiment que Sony ne sait décidément pas penser “outside the box” quand il s’agit de distribuer efficacement ses films.
C’est sans doute cela que je retiendrais de ce fiasco made in Sony. A l’heure où les cinéastes indépendants rivalisent d’inventivité et d’audace pour la distribution mondiale de leurs films sur Internet, les majors sont encore engoncées dans leurs schémas vieillissants de distribution qui ne sont plus du tout raccord avec les nouvelles habitudes de consommation du public mondial en matière de films. C’est problématique parce qu’un changement radical des méthodes de distribution ne viendra que de ces majors et que Sony avait en “The interview” une possibilité d’expérimentation sur cette question absolument inédite mais parfaite à étudier.
Une lueur d’espoir, malgré tout.
Tout n’est pas à jeter malgré tout dans cette sortie puisque Sony a innové pour une major en créant un site Internet dédié pour que les gens puissent louer le film directement, en dehors de Google Play et Youtube, via Kernel, un service que je ne connaissais pas.
Ceci est intéressant parce que Sony montre par ce site qu’il s’intéresse malgré tout à la distribution directe de ses films sans passer par de coûteuses plates-formes tierces (iTunes, GooglePlay etc). Une façon de tâter l’eau du bain avant d’y entrer complètement ? Peut-être mais pauvre Sony, même cette initiative (géobloquée of course) est mal vue par les internautes à la lumière du SonyHack.
Quand ça veut pas, ça veut pas…
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