Comment le secteur français de la SVOD se prépare (mal) à l’arrivée de Netflix.
Branle-bas de combat chez les opérateurs français de SVOD à quelques mois de l’arrivée de Netflix ! Pour le pire ou pour le meilleur, 2014…
Branle-bas de combat chez les opérateurs français de SVOD à quelques mois de l’arrivée de Netflix ! Pour le pire ou pour le meilleur, 2014 s’annonce comme une année charnière pour le secteur.
C’est la marque qui revient le plus depuis quelques semaines dans le secteur du ciné : “Netflix”, “Netflix”. On la murmure, on l’espère, on la craint. Le service américain de diffusion illimitée de films par abonnement fait peur et à raison tant elle a réussi pour l’instant son implantation dans tous les pays qu’elle visait. La France sera-t-elle le territoire sur lequel l’ogre rouge se cassera les dents ? Probablement pas, la faute aux acteurs en place qui font tout pour réveiller la bête.
Aurélie Filippetti et sa nouvelle ligne Maginot.
La semaine dernière, la Ministre de la Culture a exposé son plan anti-Netflix à la filière du cinéma et son numéro de funambule risque bien de tourner court. Comment convaincre Netflix de s’installer en France tout en protégeant les services français déjà existants ? Voilà l’énigme que la Ministre s’est mis en tête de résoudre en appelant à l’union sacrée du secteur et des pouvoirs publics. Tous ensemble contre Netflix ! Son plan d’action comprend des mesures financières, des mesures de rétorsion le cas échéant, des aides éventuelles, quelques carottes et surtout beaucoup de bâtons pour l’âne Netflix.
Elle en appelle aux fournisseurs d’accès, sans succès, aux producteurs (ne leur vendez pas les droits de vos films !), sans succès, à l’Europe, sans succès également pour l’instant. Cette ligne Maginot de défense pourrait bien une nouvelle fois être contournée sans aucun souci par l’assaillant à qui il ne suffit que d’une installation au Luxembourg pour proposer son service au public français et profiter de la fiscalité avantageuse du petit pays. Une telle manière de procéder n’est d’ailleurs pas inédite. Voilà dix ans qu’Apple vend des films aux Français par le biais de son iTunes Store depuis le Luxembourg sans que personne n’y trouve rien à redire et surtout sans participer financièrement non plus à la création française.
La ministre s'est dite convaincue que Netflix aura besoin de contenus français pour percer en France, et s'est donc demandé si les producteurs avaient intérêt à se précipiter pour céder leurs oeuvres à Netflix. Hélas, aucun producteur ne s'est engagé à ne pas vendre ses droits au Californien... — BFM
C’est en lisant ce genre de citation rapportée que l’on en vient à se demander si Aurélie Filippetti connait son sujet. Moi-même je ne suis pas au point sur tous les aspects juridiques mais je connais par contre les différents services actuels, ce qu’ils proposent et ce que Netflix peut apporter. Par exemple, la question des films français ne se posent même pas. Ce ne sont pas ceux-ci qui font de ces services de SVOD des réussites ou des échecs. Parmi le Top 100 des films les plus vus sur CanalPlay, seuls 8 sont français. Chez Jook, seuls 4 films parmi le Top 100 sont français. Parmi ces films, on retrouve “La boum” ou “La chèvre”, soit des films qui passent déjà régulièrement à la télévision.
Canal +, le challenger.
Face à Netflix, le seul qui puisse encore changer la tendance reste Canal+, le grand argentier du ciné français, l’ami des producteurs, la brosse à reluire des stars, par le biais de Canalplay, qui propose un abonnement à partir de 6,99€/mois pour visionner en illimité des milliers de films et séries. Officiellement, on n’a pas peur de Netflix chez Canal+ et on a confiance dans l’offre.
Pourtant, Manuel Alduy ferait bien de jeter un coup d’oeil sur ce que propose véritablement Canalplay. Là où Netflix met le paquet sur son algorithme de classification des films en genres ultra-précis, Canalplay fait le choix des playlists à la main, pas toujours du meilleur goût, voire même limite racoleuses.
L’autre problème de Canalplay porte sur l’offre, un problème récurrent à l’ensemble des offres SVOD en France de toutes façons. A l’occasion des César, aucune playlist “Ils ont eu des César” et pour cause : la grande majorité des films présents sur Canalplay ne sont pas français et ne sont parfois même pas sortis au cinéma (des Direct-to-DVD avec gros muscles et grosses poitrines sur la jaquette tant qu’à faire). Si on ne peut pas allécher le client avec la qualité, autant l’allécher avec ses plus bas instincts.
Canalplay a quand même réussi quelques tours de force en ajoutant un catalogue Disney très fourni et des séries de qualité en nombre. Est-ce que ce sera suffisant pour contrer Netflix ? Probablement pas puisque quand l’ogre rouge dépense des fortunes dans l’achat de droits pour étoffer son catalogue, Canal OTT (nouvelle entité Canal+ fondée pour contrer Netflix officieusement) préfère acheter Studio Bagel, créer un réseau social ou un quizz Facebook. Une diversification des genres dont ne s’embarrasse pas Netflix. Il faut dire que Canal + n’a rien à gagner à développer son offre Canalplay qui pourrait entrer en confrontation directe avec l’offre historique de Canal +.
Au centre de tout cela : le contenu.
On pourrait aussi évoquer les rapprochements entre Videofutur et FilmoTV avec ce dernier qui va proposer son offre SVOD (quelques centaines de films) sur la box de Videofutur mais tous ces effets d’annonces ne cachent pas le vrai problème qui mine le secteur : le contenu.
“Vous savez, Netflix, ce sont des vieux films.”
Cet argument revient souvent dans la bouche de ceux qui déclarent ne pas s‘inquiéter de l’arrivée du géant américain. Mais c’est oublier un peu vite que la nouveauté n’est pas foncièrement ce que l’on attend, nous consommateurs, d’un service de SVOD et que ceux existant ne sont pas non plus irréprochables de ce coté-là.
Faites un tour sur Canalplay et vous verrez que le catalogue est très faible, même pour des films de plus de dix ans. J’ai fait une toute petite recherche dont voici les résultats : sur les 50 films ayant eu le plus de succès au box-office français pendant la décennie 2000-2009 (et donc potentiellement trouvables sur un service de SVOD), seuls 7 sont disponibles sur Canalplay (et la majorité sont des films Disney). Sur la décennie 1990-1999, seuls 6 des 50 films ayant eu le plus de succès au box-office français sont disponibles sur Canalplay, une nouvelle fois une majorité de Disney.
En plus de ne pas séduire en proposant des succès publics, le service fait encore pire en proposant encore moins de films récompensés aux César par exemple. Au temps pour Canal +, l’ami du ciné français.
Or, le contenu est au centre d’Internet. Que ce soient pour la musique en ligne avec Deezer ou Spotify, les livres en ligne avec Amazon Kindle, le contenu (et l’accumulation de contenu) est ce vers quoi tendent les services en place. Toujours plus de contenu. Netflix ne vaincra pas les services en place avec des nouveaux films. Il les vaincra avec des vieux films. Des tonnes de vieux films. Des milliers de vieux films qu’il va acquérir en dépensant des millions d’euros. Une puissance de frappe contre laquelle les Canalplay, Videofutur, Jook, FilmoTV ne pourront rien, malgré des années d’avance pour se préparer et proposer une alternative crédible. Las, ce sont les spectateurs qui départageront les vainqueurs. Et il y aura de la casse.
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