Avec Studio+, Vivendi met le cap sur les appareils mobiles et parie sur les séries très courtes.
Vivendi a dévoilé au MIPTV sa future app Studio+, qui proposera des mini-séries inédites au sein d’une offre SVOD dédiée. Un nouveau format…
Vivendi a dévoilé au MIPTV sa future app Studio+, qui proposera des mini-séries inédites au sein d’une offre SVOD dédiée. Un nouveau format pour une nouvelle audience ?
Après plusieurs mois de secrets et de teasing, Vivendi a donc finalement craché le morceau, à coups de multiples schémas expliquant que les Millenials (15–35 ans) étaient un public à conquérir et qu’ils utilisaient avant tout leur smartphone. D’où la création prochaine de Studio+, une application de contenus mobiles (mini-séries) avec abonnement et disponible en streaming ou hors-connexion, dont le lancement devrait intervenir en septembre prochain. Le prix de l’abonnement reste encore inconnu.
On ne peut pas reprocher à Vivendi son ambition : une vingtaine de mini-séries au lancement, tournées dans de nombreux pays et dans des langues différentes. Le format n’est pas inconnu de ceux qui s’intéressent à la SVOD et à Canalplay en particulier puisque ces mini-séries seront composées de dix épisodes de 5 à 10 minutes dans des genres bien différents : action, romance, thriller…, sur le modèle des Digital Series développées depuis un an sur Canalplay. J’étais déjà revenu sur les multiples possibilités qu’offre ce format dans un article précédent, puisqu’il peut être à terme une pépinière de talents et de concepts novateurs. Vivendi a d’ailleurs mis le paquet : 1 million d’€ par série et une nouvelle série par semaine à partir de son lancement qui devrait intervenir dans ne vingtaine de pays en septembre avant une expansion dans d’autres parties du globe courant 2017.
De nombreuses inconnues.
Cela suffira-t-il à Studio+ pour trouver sa place et conquérir les Millenials, surtout en France ? Pas sûr. En effet, si cette tranche démographique est addict à son téléphone, cela ne veut pas dire pour autant qu’elle est friande de contenus destinés aux smartphones et aux petits écrans et encore moins s’il faut débourser de l’argent pour y accéder spécifiquement. C’est un pari, comme l’a souligné Dominique Delport, big boss de Vivendi Contents lors de sa keynote au MIPTV. Pour m’amuser, j’ai demandé à ma timeline Twitter si elle était prête à payer un abonnement pour des contenus spécifiquement mobiles et la réponse est sans appel :
Ce n’est pas représentatif, loin de là, mais cela rejoint mon opinion, en tant que Millenial et consommateur potentiel. ;) Trois choses peuvent expliquer ce rejet, toutes contenues dans la question : le format, le support et le fait de payer. Trois obstacles majeurs, dont chacun est potentiellement un dealbreaker pour le client, que Vivendi a tenté de transformer en avantages dans son opération séduction au MIPTV en insistant sur les talents impliqués et sur le côté “Premium” de l’expérience.
Le format : Le problème de ces mini-séries, d’un point de vue de consommateur, est que ce sont des téléfilms de 100 minutes saucissonnés en 10 épisodes. La longueur fait qu‘il y a peu de personnages et que l’on se tape des génériques à tout bout de champ. Énervant au possible quand on les regarde à la suite, même si on peut imaginer des versions complètes à regarder d’une traite sans les multiples génériques, comme ce fut le cas pour “Frat” sur Canalplay notamment. La cible semble donc être les jeunes (actifs) souvent en déplacement qui doivent se fader des heures de transport en commun chaque jour. Mais pourquoi irais-je m’abonner à un service me proposant uniquement ce genre de contenus vidéo alors que je peux m’abonner à Netflix ou Canalplay qui me proposeront des séries et des films de cinéma sur tous mes écrans, en mobilité ou non, et dont le format n’est finalement pas “contraint” par l’écran sur lequel je regarde ?
Le support : On peut se demander s’il n’y a pas quelque chose de “condescendant” à proposer des contenus soit-disant adaptés à un support mobile en particulier. C’est en tout cas ainsi que je le ressens en tant que consommateur. La question ne se pose pas vraiment pour les films par exemple. Ceux-ci peuvent se regarder aussi bien au ciné, que sur télé, sur tablette et sur téléphone. Certes, certains supports sont moins immersifs que d’autres mais en quoi ces mini-séries gagneraient à être davantage vues sur petit écran ? En cloisonnant volontairement ses mini-séries sur smartphone, Studio+ ne les rend pas Premium pour autant. Au contraire, il les renvoie à leur condition de contenus vidéo tout juste bon à être vus sur petit écran et ne méritant guère mieux. Cette stratégie se comprend pourtant dans l’optique d’un groupe comme Vivendi : il ne faut pas que les offres se cannibalisent. Le ciné récent et les séries originales, c’est pour C+. Le ciné de plus de trois ans et les “vraies” séries, c’est pour Canalplay pour l’instant. Donc Studio+ a son petit pré carré bien délimité duquel il ne devra pas sortir a priori : celui des mini-séries pour écrans 4 à 9 pouces.
L’abonnement : Pour se développer, Studio+ veut pouvoir s’appuyer sur les réseaux de télécommunications qui pourront offrir des abonnés “gratuits” au service à travers des bundles avec abonnements téléphoniques, comme Canalplay le faisait avec SFR (avant de se faire remplacer par Zive) ou le fait encore avec Bouygues. C’est plus facile que de recruter des abonnés en partant de rien, surtout avec une format si particulier. Le souci, c’est que cela ne les fidélise pas pour autant, comme l’a prouvé la lourde chute du nombre d’abonnés Canalplay suite au remplacement de ce bonus par Zive dans les abonnement SFR en octobre 2015. C’est pourtant un passage obligé pour faire passer la pilule de contenus mobiles payants étant donné que c’est un genre traditionnellement gratuit et pour lequel il va falloir faire un gros travail de pédagogie auprès des éventuels clients.
Et Canalplay dans tout ça ?
En fait, ce qui me frappe le plus dans cette annonce, c’est la mise au placard de Canalplay. Certes, cette marque n’avait a priori pas vocation à devenir la marque internationale de SVOD de Vivendi. Pourtant, entre un public français qu’il va falloir convaincre de payer pour des contenus faits pour mobiles et une plate-forme de SVOD déjà existante et relativement bien installée permettant le téléchargement, Canalplay offrait une place privilégiée et Studio+ aurait très bien pu en être une sous-division plutôt qu’une entité à part entière, en tout cas pour la France grâce au travail de pédagogie effectué par les Digital Series. Ainsi, les abonnés de Canalplay auraient pu profiter de ces contenus mobiles mais aussi d’un catalogue plus traditionnel de films et séries pas adaptés “spécifiquement” au petit écran des mobiles mais qui semble du goût d’une grande majorité de clients potentiels, avec LA killer feature de Canalplay : le téléchargement des contenus pour un visionnage hors-connexion. Las, selon Pascal Lechevallier sur Zdnet, “ Canalplay pourrait bénéficier de la seconde fenêtre de diffusion, entre 18 et 24 mois après la mise en ligne par Studio+” avant d’évoquer le fait que Canalplay continuera d’investir dans la Digital Series comiques (on se souvient que Canalplay avait promis de tels contenus en 2014 sans plus de nouvelles depuis à part l’annulation de “Krazy”).
Voilà donc Canalplay relégué en deuxième fenêtre de diffusion des mini-séries de Studio+, avec une nouvelle chronologie des médias créé spécifiquement pour lui, comme s’il ne souffrait pas assez de celle déjà en vigueur. Pour enfoncer le clou, dans le communiqué de presse de lancement, Vivendi insiste sur la conception technique de l’app mise au point par les équipes de Watchever (et non de Canalplay), service SVOD allemand créé par des Français et dont il se murmure qu’il pourrait à terme devenir le service SVOD européen voire mondial de Vivendi et donc peut-être remplacer Canalplay in fine. Les médias se font d’ailleurs l’écho aujourd’hui du lancement d’un service SVOD européen made in Vivendi dès septembre 2016 en France, Espagne et Italie, ce qui pourrait sonner le glas de la marque Canalplay, comme j’en parlais dans un article précédent.
Convergence
Ce n’est pourtant pas faute d’avoir bien mis l’accent sur la convergence lors de l’annonce de Studio+. En effet, les séries courtes profiteront de l’expertise de StudioCanal et de Canal+ dans le domaine tandis que Universal s’occupera des bandes-sons. Si une mini-série cartonne, elle pourra même bénéficier d’une version longue ou d’une suite en s’affranchissant du petit écran de mobile pour rejoindre la glorieuse line-up TV de C+. Les abonnés de Studio+ pourront-ils alors en bénéficier ? C’est peu probable, à moins d’avoir un abonnement à Canal+. Ce qui s’esquisse dans cette annonce, c’est surtout la volonté de Vivendi de ne pas -encore- venir affronter frontalement Netflix sur le terrain de la SVOD, surtout pas en France et surtout pas en armant Canalplay pour cette lutte. Cette lutte viendra un jour, dès la rentrée 2016 apparemment, mais pas avant. L’investissement de quelques dizaines de millions d’euros dans Studio+ est conséquent mais ce n’est rien au vu du trésor de guerre amassé par Vivendi (plusieurs milliards d’euros). Cela permet en plus d’expérimenter des formats et des concepts.
Mais loin de l’excitation (réelle ou intéressée) de certains experts et pros du secteur, je doute fortement de l’excitation du consommateur à la vue de cette nouvelle offre que Vivendi espère parvenir à vendre à grands renforts de “Premium”, “exclusivité”, “différenciation”. A moins de faciliter l’abonnement à tel point que Studio+ soit inclus directement et gratuitement dans la plupart des abos téléphoniques et ou box d’un opérateur télécom. Après tout, c’est bien comme ça que Zive est devenu “le 1er service SVOD français” avec une offre indigente.
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