Les différences de visionnages sur Netflix entre le public américain et celui du reste du monde.
Nielsen et Netflix fournissent des chiffres précis de visionnages. Et si on les comparait ?
Avant-propos
Cette semaine, on va essayer une cabriole à ne pas refaire chez vous et à laisser uniquement aux inconscients dans mon genre : la comparaison entre les chiffres de visionnages provenant de Netflix et ceux provenant de Nielsen. J’ai déjà expliqué mes griefs envers les chiffres provenant de Nielsen dans un article précédent (TL;DR : ils ne comprennent que les visionnages sur TVs, sur un panel bien défini, les saisons ne sont pas décomptées distinctement etc.) mais si on part du principe que la méthodologie à la fois de Netflix et à la fois de Nielsen sont respectées dans le temps, on peut s’intéresser à une chose en particulier : la part des visionnages qui viennent des US dans les résultats annoncés par Netflix. Nielsen et Netflix ont la gentillesse de prendre la même base temporelle pour le décompte de leurs chiffres, à savoir la semaine du lundi au dimanche. Compte tenu des limitations énoncées, je ne vais pas parler en chiffres purs mais en pourcentage pour comparer ces visionnages. Autre aspect à garder en tête est que je ne peux comparer entre eux que des films et séries dont on dispose à la fois de chiffres via Netflix ET via Nielsen. J’ai à peu près 70 films dans ce cas dans mon dataset et environ 40 séries. Et enfin, je ne peux pas comparer non plus les séries avec plusieurs saisons, Nielsen ne faisant pas la distinction entre les saisons.
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🎥 Les films.
Commençons par les films, avec celui qui semble avoir fait la majorité de ses visionnages sur sa première semaine aux Etats-Unis, à savoir “Worth”. Le film s’intéresse au procès des attentats du 11 septembre 2001 donc il n’est pas étonnant de voir que son public semble avoir été principalement américain à son lancement. Derrière, on retrouve “Madea : retour en fanfare”, une saga cinématographique exclusivement américaine dont la résonance hors de ses frontières est faible. Tyler Perry, Judd Apatow et Kevin James sont des talents dont le rayonnement semble principalement cantonné aux Etats-Unis si on en croit les présences aussi de “The Bubble” et “Home team”. Le cas de “Passing” est aussi facile à expliquer. Certes, c’est un film à Oscar mais qui s’intéresse à la question de l’intégration des Afro-Américains dans le New York des années 1920.
De l’autre côté du spectre, on a “365 Jours : au lendemain” qui n’a réalisé que 3,9% de ses visionnages aux Etats-Unis selon ma méthode de décompte. L’aura de “The Kissing Booth” semble avoir largement dépassé les frontières américaines aussi. Le film d’action sud-africain “Silverton Siege” a déjà eu l’honneur de figurer dans un Top 10 Nielsen, ce qui est très rare pour des films non-US mais qui se produit par vague pour les films Netflix. Enfin “Night Teeth” et “Army of Thieves” ont eux aussi eu plus de succès dans le reste du monde qu’aux US. Dans le cas de “Army of Thieves”, il a d’ailleurs un côté bien plus européen que “Army of the Dead” dont il partage l’univers. On peut aussi noter qu’il s’agit de films de genre.
Quelle part faut-il atteindre pour faire un hit mondial ? Si on regarde les courbes de “Red Notice”, “The Adam Project” et “Don’t look up”, 3 des 4 films Netflix les plus regardés dans le monde, entre 20 et 25% la première semaine est un bon départ.
Il y a une belle aberration statistique dans ce graphique, à savoir la W3 de “The Adam Project” dont le total US a atteint 61% du total monde annoncé par Netflix cette semaine-là. Je ne peux pas l’expliquer à part le fait que c’était Spring Break aux Etats-Unis et que peut-être que des gens en ont profité pour voir/revoir le film. Dans tous les cas, le film faisait -63% en 3ème semaine selon Netflix, mais seulement -10% aux US selon Nielsen. Je dois dire à ce stade qu’il n’est pas rare du tout que Nielsen se plante, admette qu’il s’est planté et corrige mais ses corrections sont généralement difficiles à trouver.
On obtient la même aberration statistique mais dans une bien moindre part pour la W3 de “Red Notice” avec 31% de visionnages qui seraient venus des Etats-Unis alors que ça tournait autour de 20-25% le reste du temps.
📺 Séries.
Du côté des séries, surprise surprise (non), le public américain est un peu moins friant des programmes venant d’Asie et du reste du monde que les autres territoires. En tous cas pour les premières semaines. Les visionnages venant des Etats-Unis de “Squid Game” ne totalisaient que 5,4% des visionnages mondiaux, tandis que “All of us are dead” and “Hellbound” (deux autres séries sud-coréennes) ne comptabilisaient aux US que 6 et 10% des visionnages mondiaux. Ces deux dernières séries étant sorties après “Squid Game”, on peut se demander si le fait qu’elles aient un meilleur pourcentage est justement dû à “Squid Game” et au fait qu’il ait montré aux audiences américaines que les séries sud-coréennes valaient le coup d’oeil.
Du côté des séries ayant séduit comparativement plus les spectateurs US, on retrouve “Maid” avec 52% de ses audiences la première semaine venant des US, “The Chair” (37%), le complètement barré “Brand New Cherry Flavor” (36%), “La défense Lincoln” (33%) et “La réalité en face” (32%). Je ne sais pas si c’est important à relever mais parmi ces 5 séries, 4 sont des mini-séries bouclées et terminées tandis que “La défense Lincoln” vient d’être renouvelée pour une S2.
Le cas de “Maid” est d’ailleurs super intéressant quand on regarde sur la longueur puisque entre sa W1 et sa W2, les visionnages ont baissé de 23% aux US (source : Nielsen) mais ont augmenté de 173% dans le monde entier (US inclus, source : Netflix). Ce qui donne une courbe assez inédite au cours de ses 5 premières semaines.
Clairement, la série fut d’abord un succès aux Etats-Unis avant de voyager partout dans le monde au cours de sa deuxième semaine et au-delà. “Squid Game” lui a fait le chemin inverse. De 5,4% en 1ère semaine, la part des visionnages venant des US par rapport au reste du monde n’a fait que grimper pendant les 6 première semaines pour atteindre 19% en W6 (puis 16,6% en W9).
Dans tous les autres chiffres dont je dispose, les écarts d’une semaine sur l’autre restent marginaux et montrent une certaine cohérence dans l’ensemble. Ce qui rend ces deux exemples notamment particulièrement intéressants. Mais je répète que l’exercice pratiqué ici est un exercice de saltimbanque, avec des manques méthodologiques assez forts (notamment parce qu’on s’appuie sur Nielsen). Mais l’exercice n’en demeure pas moins passionnant en ce qui me concerne.
Le Top 20 des Tops 10 Nielsen.
Puisque j’aborde Nielsen, il faut savoir qu’ils ont commencé à relayer leurs chiffres de la SVOD dès 2020, soit quasiment 18 mois avant Netflix et ses heures vues. Ce qui nous permet d’imaginer un peu les films Netflix qui ont eu du succès avant que ce dernier ne partage ses premiers chiffres. Pour terminer cet article, voici le Top 20 des meilleurs démarrages des films Netflix aux US selon Nielsen.
En rouge, ce sont les films pour lesquels nous n’avons pas de chiffres made in Netflix en heures vues donc on ne peut qu’imaginer ce qu’ils ont fait sur la durée. Et l’amplitude de la part entre les visionnages US et mondiaux qu’on a pu voir en début d’article fait qu’il est très difficile (sinon impossible) d’esquisser une formule mathématique magique qui permettrait d’extrapoler le plus fidèlement possible. J’imagine cependant qu’un film comme “Hillbilly Elegy” a été bien plus regardé aux US que dans le monde tandis que “Enola Holmes” a été vu aussi bien aux US que dans le reste du monde. Mais cela reste des suppositions.
Du côté des séries enfin, beaucoup de titres ayant cartonné aux US sont sortis avant le début de publication des chiffres Netflix. Là aussi, nous en sommes réduits à des conjectures sur leur nombre d’heures vues dans le monde. Je n’ai pas réutilisé les chiffres des nouvelles saisons pour la raison évoquée déjà dix fois dans l’article mais Nielsen a été gentil de fournir le chiffre pour la saison 4A de “Stranger Things” uniquement. Ce qui veut dire qu’ils ont ces chiffres par saison mais refusent de les communiquer, en tous cas gratuitement.
Bon début de semaine !