Quel taux d'annulation de séries chez Netflix ?
L'année 2021 permet d'esquisser de grandes tendances.
Pendant toute l’année 2021 et même encore maintenant, je me suis “amusé” (on a les loisirs qu’on mérite) à suivre les renouvellements et annulations du côté de chez Netflix pour tenter de répondre à la question : “Netflix annule-t-il plus que les autres diffuseurs ses séries ?”. C’est une complainte qui revient souvent et rien que cette semaine, deux séries ont été annulées officiellement : la sitcom américaine “Pretty smart” après une saison et la série de super-héros “Raising Dion” après deux saisons. Regardons donc les chiffres pour tenter d’esquisser une réponse à cette question. Et si vous aimez ce que vous lisez, n’hésitez pas à vous abonner !
Comme toujours, je dois être au clair sur la méthodologie utilisée et contextualiser le graphique ci-dessous.
Les renouvellements comprennent les séries dont une saison supplémentaire a été officiellement commandée ou pour laquelle une saison suivante a été diffusée plus tard en 2021 sur Netflix. Certaines séries ont ainsi pu être renouvelées deux fois en 2021 mais c’est un cas très rare.
Les séries terminées sont des séries dont la fin a été annoncée en amont de la sortie de la saison (des mini-séries généralement ou des séries “annulées” à qui Netflix a donné une dernière saison pour boucler l’intrigue. Je ne considère pas cela comme une annulation sèche puisque les créateurs ont pu boucler la série mais vous avez le droit de ne pas être d’accord.).
Les séries "dans les limbes” sont celles pour lesquelles on n’a aucune info. Est-ce qu’elles sont annulées ? Est-ce qu’elles sont terminées ? Ne les ayant pas toutes regardées, je n’en sais rien donc je les classe dans les limbes. C’est cette catégorie qui peut encore évoluer tout au long de 2022, soit par des renouvellements, soit par des annulations.
Enfin, les annulations sont les séries annulées sèchement après la diffusion de leur dernière saison en date sans permettre à leurs créateurs de les terminer.
Le graphique suivant est donc valable à l’instant de la publication de cet article mais il peut encore évoluer, comme l’a prouvé cette semaine.
Pour l’instant donc, 19 séries Netflix Originals diffusées en 2021 ont été officiellement annulées. 11 l’ont été après 1 seule saison (“Les irréguliers de Baker Street” (UK), “Jupiter’s legacy” (US), “Arrête papa, tu me fais honte” (US), “Country comfort” (US), “The crew” (US), “Hit & Run” (ISR), “Zero” (ITA), “Jamais froid aux yeux” (US), “Cowboy Bebop” (US), “La cité des fantômes” (US) et “Pretty smart” (US).) On remarque dans cette liste 4 sitcoms US, qui ne semble vraiment pas être un genre qui marche sur Netflix.
7 ont été annulées après 2 saisons (“Idhun” (ESP), “Monarca” (ESP), “Bonding” (US), “Hache” (ESP), “Gentefied” (US), “Another life” (US) et “The baby-sitters club” (US)) et 1 a été annulée après 4 saisons mais c’est un cas assez particulier puisqu’il s’agit de “Good girls”, une série Netflix uniquement hors des US mais dont on peut imaginer que Netflix a eu son mot à dire dans l’annulation.
Parmi ces annulations, les deux plus coûteuses sont clairement “Jupiter’s legacy” (on parle d’une saison à plus de 150M$) et “Cowboy Bebop” (dont une saison 2 avait été apparemment commandée puis annulée après le scores décevants de la première saison).
19 annulations sur une année, c’est beaucoup si on compare aux networks américains. Mais sur le volume de Netflix, cela ne représente que 6,6%. Si on part du principe que toutes les séries dans les limbes sont annulées, ce taux monte à 32,2%, soit un peu moins du tiers mais ce n’est pas une supposition que je peux faire avec les infos dont on dispose à l’heure actuelle. Les renouvellements comptent eux pour 39,4% et les séries terminées pour 28,4%.
On sait quelques petites choses des raisons qui poussent des séries à être annulées par Netflix. La première est un simple ratio entre le prix d’une saison et son audience. La seconde tiendrait au nombre de personnes qui terminent la saison en question. Si 15 millions de comptes commencent la saison mais que seulement 1,5 millions la terminent, la saison d’après n’intéressera a priori que ces 1,5 millions de comptes (plus tous ceux qui auront regardé la série entre temps sur la longue traine). Enfin, Netflix s’intéresserait aussi aux nombres de comptes qui ont été créés ou réactivés pour regarder une série ou une nouvelle saison de cette série.
Parmi les 19 séries annulées, le top hebdo de Netflix nous fournit quelques chiffres d’audience pour 4 d’entre elles seulement. Les autres sont soit sorties trop tôt pour être comptées dans le Top 10 hebdo de Netflix (qui a commencé fin juin 2021), soit elles ne sont pas du tout apparues dans le Top 10 (ce qui en soi est déjà une explication sur leur annulation). Voici les chiffres dont on dispose :
Parmi ces 4 séries, l’annulation la plus étrange est celle de “Hit & Run”, série israélienne par les créateurs de “Fauda”. Avec environ 13M d’EVC en 4 semaines, elle obtient des résultats relativement honnêtes dans sa catégorie. Mais ces chiffres ne permettent pas de savoir le nombre de completers rapporté à son budget.
Nous disposons aussi des chiffres de Nielsen pour certaines séries annulées. Là aussi, des faibles résultats et peu de présence sur la longueur (méthodologie de Nielsen : US seulement, sur TV uniquement, sur des panels).
Beaucoup d’annulations en valeur absolue, peu d’annulations en valeur relative, voilà un peu le problème marketing que doit résoudre Netflix puisque 19 annulations sur un an, c’est quasiment une toutes les 3 semaines et donc une impression que Netflix annule toutes ses séries. Mais dans le même temps, il en renouvelle 6 fois plus, des renouvellements qui ne font pas autant de presse.
La solution serait peut-être dans ce que Netflix tente de plus en plus, à savoir la “renouvannulation” : renouveler une série pour une dernière saison ou même un dernier épisode spécial, comme cela a pu être le cas pour “Sense 8”. Une façon de respecter à la fois ses abonnés qui s’intéressent à ces séries et de respecter aussi les créateurs avec qui ils bossent. Cela a un coût certes, mais la reconquête (ou la rétention !) d’abonnés passe sans doute par là. Quand on veut se composer une bibliothèque de titres, autant faire en sorte que ces titres soient complets ou apportent au moins une forme de conclusion satisfaisante.
🔗 Ailleurs sur le web.
“Netflix’s Big Wake-Up Call: The Power Clash Behind the Crash”, The Hollywood Reporter. Les articles continuent de pleuvoir sur la dynamique intérieure de Netflix US suite aux résultats Q1 2022 et celui-ci tente de remonter aux sources, à savoir le remplacement de Cindy Holland par Bela Bajaria à la tête des séries Netflix. Luttes de pouvoir, d’influence… Et si finalement, la meilleure série Netflix n’était pas celle qu’ils pourraient faire sur leur fonctionnement intérieur ? Une série docu sur les arcanes de décision de Netflix, ce serait vraiment top. Un “Drive to survive” chez Netflix ! Si y’a des gens à qui je peux pitcher ça, n’hésitez pas à faire suivre.
“Netflix Staffers Voice Frustrations and Fears of Cutbacks Ahead”, The Hollywood Reporter. Décidément, The Hollywood Reporter est on fire en ce moment sur Netflix. Cet article s’intéresse davantage aux employés US de Netflix et éclaire notamment sur un point particulier : la rémunération des exmployés. Ceux-ci peuvent décider de moduler leur salaire entre “cash” et “actions en Bourse”. Soit vous prenez plus de cash, soit vous prenez plus d’actions en Bourse. Sauf que le titre a perdu 2/3 de son cours ces derniers temps donc forcément, certains salariés aimeraient pouvoir changer leur répartition.
Recommandation liée à Netflix.
🎥”Netflix vs. the world” de Shawn Cauthen. Je parlais en début de semaine dans ma dernière newsletter de l’autobiographie de Marc Randolph et ce documentaire en est la parfaite suite. On retrouve d’ailleurs Marc Randolph qui, avec d’autres employés de l’époque, raconte les débuts de Netflix. Ce n’est pas forcément la partie la plus intéressante du documentaire, un peu trop hagiographique. La partie la plus surprenante ne met justement pas en scène que Netflix. C’est celle qui fait intervenir des anciens de Blockbuster Video, l’ennemi juré de Netflix à un moment de leur histoire. Netflix a tenté de se faire racheter par eux pour 50M$, ils ont refusé, ce qui a ensuite motivé Netflix à leur botter les fesses, ce qu’ils ont réussi à faire in fine, Blockbuster ayant disparu dans les années 2010. Sauf que cette histoire-là est développée dans le documentaire bien plus en profondeur que dans l’autobiographie de Randolph (notamment parce que la majeure partie de cette lutte s’est passée après son départ de Netflix). On y suit la riposte de Blockbuster dans le streaming, les premiers résultats probants, Netflix en difficulté et comment Blockbuster fut au final miné par une revente et un nouveau CEO qui en avait rien à faire du streaming. Bref, le documentaire est vraiment intéressant pour ça. Pour le reste, il fait assez cheap. ⭐⭐⭐/5
Disponible sur Filmzie gratuitement (et légalement), sans sous-titres, en VO.
C’est tout pour ce numéro, passez un bon week-end !