Pour échapper à Netflix, Canalplay cherche le chemin le plus “court”.
Avec “FRAT”, Canalplay se lance dans les contenus originaux courts pour séduire un nouveau public.
Avec “FRAT”, Canalplay se lance dans les contenus originaux courts pour séduire un nouveau public.
Le 11 mai débarquera sur Canalplay “FRAT”, la première série originale du service français de SVOD, déclinaison de Canal + et principal concurrent de Netflix. Les particularités de “FRAT”, outre son scénario qui s’inspire des attentats de Paris en janvier ? Son format très court, en 10 épisodes de 5 minutes, et son processus de réalisation très rapide, 90 jours seulement.
“FRAT” marque un tournant dans la concurrence à couteaux tirés que se livrent Canalplay et Netflix depuis septembre, en cela que c’est un signe que le service français ne cherche désormais plus l’attaque frontale avec le géant américain dans le domaine de la SVOD traditionnelle. Il faut se rendre à l’évidence, la bataille est perdue sur les contenus films/séries TV depuis quelques semaines déjà avec un catalogue de Netflix qui augmente de façon exponentielle (1300 films début mai contre 900 en septembre) tandis que celui de Canalplay s’essouffle (-25% de films en un an, à environ 900).
En septembre dernier, lors de son arrivée en France, Netflix disposait de 122 films ayant réalisé au moins 1 million d’entrées tandis que Canalplay en disposait de 221. En sept petits mois “d’affrontement”, les courbes se sont donc inversées et Canalplay pâtit de cette concurrence également sur les séries et les dessins animés.
Au niveau des abonnés aussi, Netflix France a déjà quasiment comblé son retard en trois petits mois sur son concurrent français et devrait passer devant dans quelques mois, si ce n’est pas déjà fait à l’heure qu’il est avec le succès critique de “Daredevil” début avril.
La bataille pour la SVOD traditionnelle est donc d’ores et déjà terminée en France et Canalplay regarde désormais devant soi en amorçant sa mutation. Vu qu’il n’a ni les moyens, ni l’envie d’aller se battre sur le terrain du plus grand nombre de films et séries TV disponibles, il lui faut de nouveaux contenus maison, pas chers, qui peuvent plaire aux jeunes et adaptés à leur mode de consommation nomade, c’est à dire courts, téléchargeables et visionnables partout, notamment sur smartphones. C’est d’ailleurs dans cette optique que Canalplay permet le visionnage hors connexion, qu’une version light du service SVOD est proposée en bonus gratuit avec des abonnements téléphoniques chez Bouygues et SFR et qu’un accord avec Maker Studios a été conclu il y a quelques semaines pour fournir le service SVOD en vidéos de Youtubers mondialement connus (j’y reviendrai dans un prochain article).
L’acquisition/création de séries originales courtes s’inscrit également dans cette stratégie de fournir du contenu différent et ce n’est pas une mauvaise idée du tout. Avant “FRAT”, on a vu l’arrivée de “L’équipe” avec Nicole Calfan en 9 épisodes de 11 minutes et celles d’une dizaine de “digital series” chopées ci et là sur le Net, toujours composées d’une poignée d’épisodes de quelques minutes. 10% des séries proposées sur Canalplay actuellement sont des “digital series” et celles-ci remplacent progressivement de grosses séries qui quittent le catalogue, maintenant à flot le nombre de séries TV disponibles sur le service français aux alentours de 115–120.
Là où “FRAT” est intéressante, c’est qu’elle montre une réactivité et une souplesse de la part de Canalplay, qui pourrait bien devenir à terme une véritable pépinière de talents et de mini-séries inédites made in France. Si “FRAT” est un succès par exemple, on peut très bien imaginer l’arrivée d’une saison 2 avant la fin de l’année 2015 vue la durée de production réduite. Une vraie chance de fidéliser un public là où les fans de “Daredevil” ou de “Orange is the new black” doivent attendre un an pour voir la suite des aventures de leurs héros préférés en espérant trouver de quoi calmer leur attente entre deux saisons.
Avec des budgets plus réduits et des durées de production plus courtes, c’est tout un éventail de possibilités qui s’ouvrent donc pour Canalplay, qui se découvre un appétit pour ce nouveau type de contenus. Un appel à projet a été lancé début avril en ce sens pour des séries à épisodes courts, une bonne façon de dénicher de nouveaux talents et, qui sait, de produire rapidement de futures mini-séries que l’on pourrait imaginer tourner autour de concepts forts et tirant partie de cette nouvelle forme de diffusion. Face au paquebot Netflix, le petit zodiac Canalplay manœuvre sur les eaux déchainées mais cela pourrait valoir le coup, à condition d’afficher clairement son nouveau cap, d’un service SVOD traditionnel et grand public vers un service de SVOD plus “mobile” et plus avant-gardiste, sorte de mix entre un Netflix light et les MCN (Multi-channel networks) qui ont pris possession de Youtube.
En fait, la véritable inconnue est de savoir si ces mini-séries peuvent plaire aux abonnés existants de Canalplay, si elles peuvent attirer/fidéliser de nouveaux abonnés, et si ceux-ci accepteront de payer un abonnement identique à celui de Netflix pour des séries qui, si l’on met les épisodes bout-à-bout, durent la moitié d’un téléfilm lambda, comme dans le cas de “FRAT” (53 minutes cumulées), ou d’un téléfilm comme dans le cas de “L’équipe” (99 minutes cumulées). Cette stratégie d’évolution axée sur les contenus mobiles courts ne sera pas forcément du goût des abonnés qui utilisent principalement la télé ou l’ordinateur ou qui voudraient un catalogue de valeurs sûres. On se souvient des critiques adressées à Netflix sur son catalogue et ce ne sont pas des mini-séries françaises de cinquante minutes qui protègeront Canalplay de telles critiques de la part des aficionados français de la SVOD traditionnelle, surtout quand l’image associée aux séries “digitales” est celle des webséries, gratuites pour l’instant, de Youtube.
C’est un pari risqué sur l’avenir mais Canalplay n’a pas vraiment le choix. Il doit continuer à exister en se débrouillant tout seul, à moindres frais et en se trouvant une niche qui lui permettra de ne plus subir la concurrence frontale (et défavorable) de Netflix. Son rôle dans la guerre de la SVOD est terminé, sa survie (sous une autre forme) peut commencer.
Je m’occupe de FilmsdeLover.com, le site dédié aux films d’amour et comédies romantiques et de Direct-to-VOD, le Tumblr des films qui sortent directement en VOD.
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