Les résultats financiers du premier trimestre 2022 des principaux services de streaming.
Netflix, HBO Max, Disney et Hulu ont dévoilé leurs résultats financiers pour le premier trimestre 2022 et on regarde tout ça avec des graphiques.
Avant-propos
Quelques petites choses sont à garder à l’esprit en regardant les graphiques suivants et la plus importante est sans doute que les différents services n’opèrent pas sur les mêmes aires géographiques. Netflix est dispo dans 190 pays, Disney+ dans une cinquantaine, HBO Max dans une trentaine il me semble et Hulu dans un seul seulement (les US). Donc ce sont des comparaisons imparfaites même si certains indicateurs peuvent être comparés, comme le revenu moyen par abonnement.
Le nombre d’abonnements payants
Disney+ a annoncé cette semaine avoir 137,7M d’abonnements payants dans les 50+ pays dans lesquels il est établi. Une belle progression de 6%, la meilleure de tous les streamers étudiés ici par rapport au trimestre précédent (HBO Max : +4,1%, Hulu : +1,2% et Netflix : -0,1%). Voici l’évolution depuis le dernier trimestre 2019.
Dans les mois qui viennent, Disney+ et HBO Max ont de belles perspectives de progression alors qu’ils vont se lancer dans de nouveaux territoires à travers le monde. Netflix a déjà prévu lui de perdre 2 millions d’abonnés au prochain trimestre.
Le territoire américain est bien entendu l’objet de toutes les attentions et on peut comparer ces 4 services en gardant à l’esprit que Netflix et Disney+ intègrent le Canada dans leurs chiffres “domestic” tandis que HBO Max et Hulu n’intègrent que les Etats-Unis.
L’une des choses à se souvenir aussi en ce qui concerne Hulu et Disney+ est que si un foyer est abonné au Bundle Disney (qui comprend Hulu, Disney+ et ESPN+), il sera compté à la fois dans les abonnements Disney+ et dans les abonnements Hulu. La fusion de Hulu et de Disney+ aux Etats-Unis est souvent abordée mais je trouve ça assez ardu pour Disney à mettre en place dans la mesure où le nombre d’abonnements payants ne sera pas l’addition des 44,4M d’abonnements à Disney+ et 41,4M d’abonnements à Hulu. Selon les estimations, il y aurait 60+ millions de foyers différents qui ont un abonnement à un ou plusieurs services de streaming de Disney. Et l’une des questions brûlantes aux US est où se trouve le plafond d’abonnements ? 75 millions, là où est Netflix ? Ou au-delà ?
Les revenus du streaming
Du côté des revenus du streaming, c’est un peu plus clair. Les revenus cumulés de Disney+, Hulu et HBO Max s’élèvent à 5,6 milliards de dollars au premier trimestre 2022 soit 2 milliards de $ de moins que Netflix.
C’est un nouveau paradoxe Netflix qui perd des abonnés mais dont les abonnés restants payent davantage, ce qui lui permet d’afficher des revenus records. Baisser ses prix pour avoir plus d’abonnements payants mais moins de revenus ou augmenter ses prix pour avoir moins d’abonnements payants mais plus de revenus ? Voilà toute la question que se pose actuellement Netflix et l’ajout d’un abonnement moins cher avec pub est déjà un élément de réponse.
Du côté de Disney, on remarque que les 40M d’abonnements payants à Hulu sur le territoire US rapportent quasiment autant que les 137M d’abonnements payants à Disney+ dans le monde. Un élément qui s’explique en regardant le revenu moyen par abonné, montré ci-dessous. L’autre élément de Disney+ et Hulu est que ce segment dans les résultats de Disney montre des pertes depuis des années alors que HBO Max et Netflix sont bénéficiaires chaque trimestre.
Le revenu moyen par abonnement (ARPU)
Tous les abonnés ne sont pas égaux et ne rapportent pas autant. Combien paye en moyenne un abonné à un des quatre services de streaming étudiés ici ? Voilà une réponse et l’évolution de l’ARPU depuis fin 2019.
Cela veut dire qu’il faut environ 2,5 abonnements payants à Disney+ pour rapporter autant qu’un abonnement payant à Netflix. On peut remarquer d’ailleurs qu’entre fin 2019 et début 2022, seulement un seul service a vu son revenu par abonnement payant augmenter : Netflix, qui passe de 10,77$ à 11,77$. Les trois autres services ont vu leur ARPU chuter depuis 2019. La chute de Disney+ s’explique par les 50 millions d’abonnements qui viennent d’Inde où le service coûte une bouchée de pain et celle de HBO Max a aussi sans doute à voir avec son expansion mondiale. Celui d’Hulu est beaucoup plus fluctuant au fur et à mesure des opérations spéciales à prix cassé qu’il lance de façon régulière aux US.
Qu’observer au prochain trimestre ?
On regardera bien sûr les résultats de Netflix pour voir si la chute d’abonnés a été enrayée. Selon leurs prévisions, le nombre d’abonnements payants chutera mais les revenus seront en hausse. Du côté de chez Disney, on a prévenu que la croissance serait plus mesurée au prochain trimestre. Tant que ça reste dans le positif, ça ira. On surveillera aussi début juin l’attribution des droits de la ligue de cricket indienne. Une des incertitudes autour de Disney+ est justement les 50 millions d’abonnements payants qui viennent d’Inde et dont on suspecte qu’ils sont abonnés pour le cricket. Sans cricket, quid du nombre d’abonnements ? La seule baisse d’abonnements dans une région du monde à Disney+ fut en Inde au 3ème trimestre 2021, quand il n’y avait pas de cricket programmé. C’est donc une question légitime. Mais Disney n’est pas le seul à vouloir ces droits. Sony et Amazon seraient aussi sur les rangs et prêts à débourser des millions de dollars pour les obtenir.
🔗 Ailleurs sur le web.
“The algorithm is a lie”, The Entertainment Strategy Guy. J’ai plusieurs problèmes avec ESG, un des principaux analystes des “audiences” de la SVOD, notamment parce qu’il a tendance à vraiment se concentrer sur les US et sur les ratings Nielsen (qui ont de sévères limites) mais cet article est vraiment excellent parce qu’il débunke un mythe que Netflix a trop longtemps fait perdurer (ou laissé perdurer), à savoir la question de l’algorithme. Il n’y a pas d’algorithme de décision. Il y a des décisions humaines, aidées ou non par des algorithmes qui crunchent les chiffres après les commandes de programmes mais pas forcément avant. Cela va de l’étude de ce que les nouveaux abonnés regardent en premier, de ce que les abonnés qui payent le plus regardent en priorité, du budget de la série. Bref, de plein de facteurs qui sont ensuite crunchés pour aboutir à une metric potentiellement utile pour justifier des annulations et des renouvellements. Mais évidemment, c’est un peu trop facile de taper sur l’algorithme pour expliquer des annulations ou autres (comme Fanny Herrero a pu le faire à l’occasion de l’annulation de “Drôle” par exemple) alors que cela reste au final des décisions humaines. L’article récapitule tout ça très bien et va même jusqu’à se demander si certains execs chez Netflix ne se cachent pas derrière l’algorithme pour expliquer d’éventuelles annulations ou des non-commandes de programmes aux talents au lieu d’assumer leur décision. C’est intéressant comme point. Et si vous voulez recevoir les rapports hebdomadaires des audiences SVOD aux US, ESG a lancé une newsletter payante à 14$ par mois. Je me demande ce que je fais à faire tout ça gratos moi. ^^
Bon week-end !