Les plates-formes dématérialisées de jeux vidéo partent à la conquête du secteur de la VOD.
Steam, GOG.com… Habituez-vous à ces noms, ce seront peut-être les plates-formes de VOD leaders de demain.
Steam, GOG.com… Habituez-vous à ces noms, ce seront peut-être les plates-formes de VOD leaders de demain.
J’ai déjà abordé en longueur dans cet article les liens étroits qui existent entre les secteurs du jeux vidéo PC et du cinéma, deux secteurs qui sont appelés à s’entrecroiser beaucoup plus finement dans les années qui viennent, que ce soit au niveau de la distribution des biens numériques ou de la façon dont ils sont consommés (avec l’Oculus Rift notamment). Pourtant, ce rapprochement s’est accéléré ces derniers jours avec deux nouveautés importantes — et aux idéologies bien différentes — qui pourraient bien chambouler le secteur de la VOD française et mondiale. Rien que ça.
GOG.com, pas de DRM, pas de problèmes.
La première annonce est venue de GOG.com. Pour situer GOG.com dans le paysage vidéoludique, c’est le trublion, l’anarchiste qui croit que les DRM (protections numériques), c’est le mal. C’est donc le cauchemar des ayants-droits mais cela ne les empêche pas depuis cinq ans de proposer (légalement) des vieux jeux vidéo PC en téléchargement sans DRM pour des prix compris entre 5,99$ et 9,99$ en surfant sur la nostalgie des gamers trentenaires. Depuis peu, ils se sont ouverts aux jeux vidéo bien plus récents avec des prix pouvant atteindre 39$. Toujours un maître-mot : pas de DRM, des bonus en tous genres, des prix compétitifs (pas d’égalité 1$ = 1€).
Après les jeux vidéo, ils se tournent donc désormais vers les films avec la même envie de permettre à tout le monde d’acheter des films sans DRM pour pouvoir en profiter sur plusieurs supports, quand on veut ou en streaming. Ils veulent des vieux films, des vieilles séries, pour jouer également sur la nostalgie de leur base mais cela ne va pas se faire tout seul, comme ils l’admettent volontiers.
We talked to most of the big players in the movie industry and we often got a similar answer: “We love your ideas, but … we do not want to be the first ones. We will gladly follow, but until somebody else does it first, we do not want to take the risk”. DRM-Free distribution is not a concept their lawyers would accept without hesitation. — GOG.com
Cette hésitation, ils y ont déjà eu affaire au lancement de GOG quand il s’agissait d’aller convaincre les gros éditeurs de filer leurs meilleurs vieux jeux sans DRM. Petit à petit pourtant, ils ont étoffé leur catalogue en ajoutant de gros éditeurs et en montrant que non, les gamers n’étaient pas des pirates en puissance et que si on leur laissait le choix, ils pouvait mettre la main à la poche comme tout un chacun. Parmi les premiers films disponibles sur la plate-forme, une vingtaine de documentaires en lien avec le thème du jeu vidéo, certains avec des sous-titres français ou dans d’autres langues. Une bonne façon de tester l’eau avant de proposer d’autres titres avec des éditeurs aventureux.
Difficile d’estimer à l’heure actuelle le nombre de clients qui utilisent GOG.com pour acheter des jeux, mais je l’estime à plus de 500 000. L’addition des films à l’arc de GOG.com ne fait pas que des heureux sur les forums et la wishlist des membres indiquent qu’ils aimeraient voir dessus des films tels que “Star Wars” ou “Le seigneur des anneaux”. Il risque d’y avoir un décalage entre les attentes et les films effectivement ajoutés au catalogue puisque ce seront vraisemblablement des films indépendants en majeure partie, au démarrage tout du moins. Il parait peu probable que des majors utilisent ce genre de plate-formes, mais les indépendants pourraient y trouver leur compte si les problèmes de droits par territoire ne viennent pas tout mettre par terre.
Steam, l’ogre qui se fait attendre.
Steam, c’est l’ogre du secteur du jeu vidéo dématérialisé, l’antithèse-même de GOG puisque son crédo, c’est DRM-à-gogo. Lancé dès 2004 et précurseur dans ce domaine, Steam est un logiciel à installer sur ordinateur et est donc intrinsèquement un DRM. Sans Steam, vous n’avez pas accès à vos jeux. En janvier 2014, Steam annonçait 75 millions d’utilisateurs à travers le monde, entre 3 et 7 millions constamment connectés. Parmi ces 75 millions d’utilisateurs, 4% utilisent le logiciel en français ce qui équivaut à 3 millions de francophones. Après quelques timides incursions dans le monde du film avec “Indie Game : The Movie” en particulier, Steam se fait désirer sur le marché du film et des séries TV. Pourtant, son puissant DRM en fait naturellement une plate-forme de choix pour les ayants-droits et son nombre d’utilisateurs est impressionnant.
Les choses avancent pourtant aussi de ce côté-là puisque Steam Database a trouvé récemment dans le code du logiciel des indications laissant à penser l’arrivée prochaine des films et séries TV sur la plate-forme.
De quoi susciter l’attente parmi les utilisateurs qui espèrent que Steam appliquera aux films et aux séries TV sa marque de fabrique, à savoir ses soldes qui permettent de bénéficier de remises de -50 à -90% sur le prix des jeux vidéo à trois ou quatre reprises pendant l’année et une vraie attraction à chaque fois, cumulées à d’autres offres pendant la semaine, les week-end etc. Ce système, s’il a permis à de petites équipes indépendantes de rencontrer le succès a aussi totalement dévalué le prix d’un jeu PC et s’est attiré les foudres d’autres équipes. Pourquoi acheter un jeu 49€ quand on sait qu’il sera en promo à -50% quelques semaines plus tard, à part une attente démesurée ? Sur Steam, la patience est une vertu qui fait économiser de l’argent. Comment adapter cela à un marché ciné/séries TV avec encore une fois toutes les contraintes inhérentes à ce secteur ? C’est toute l’équation que devra résoudre Steam.
Quel danger pour les plates-formes françaises de VOD ?
C’est un peu tôt pour le dire pour plusieurs raisons. Déjà, les clients de GOG.com ou de Steam sont principalement de jeunes hommes âgés entre 18 et 35 ans, une cible qui ne consomme pas a priori beaucoup de VOD pour lui préférer le streaming illégal. Je schématise mais les utilisateurs de Steam sont plus au courant des sites de streaming que Papi Gaston qui n’utilise que la VOD de SFR sur sa box.
Autre problème, l’écran. L’ordinateur est parfait pour jouer aux jeux vidéo mais pour regarder des films, c’est une autre histoire. Steam dispose déjà d’un mode “Big Picture” permettant d’afficher la plate-forme sur TV et de naviguer avec une manette dans les menus. GOG.com mise lui sur le fait que chaque film est téléchargeable et donc visionnable sur TV, tablettes, téléphone… Puis il y a les solutions techniques allant du simple câble HDMI à la clé ChromeCast.
Cependant, ils ont les techniques, le savoir-faire pour attirer les clients et les pousser à payer pour des films, comme ils l’ont fait pour le jeu vidéo PC. En 2003, le piratage avait décimé le jeu vidéo sur PC qui était à l’article de la mort. A côté, les consoles étaient en plein développement grâce à leur architecture a priori protégée du piratage. Steam a pourtant permis de redonner un coup de fouet au marché avec une politique de prix attractive, année après année, en se rendant indispensable quitte à supprimer quelques libertés aux joueurs (connexion obligatoire pour jouer à certains jeux notamment). GOG a lui montré qu’à l’inverse le DRM-free marchait aussi très bien et que d’autres joueurs ne voyaient aucun problème à l’idée de payer pour des jeux qu’ils auraient pu trouver facilement en version pirates, le tout en opérant au niveau mondial. Ces deux plates-formes, aux conceptions du marché diamétralement opposées, ont redonné vie à un secteur condamné, le tout de façon complémentaire. Pourront-elles accomplir le même exploit pour celui de la VOD qui stagne dangereusement en France ? Les premiers éléments de réponse ne devraient plus tarder.
Je m’occupe de FilmsdeLover.com, le site dédié aux films d’amour et comédies romantiques et de Direct-to-VOD, le Tumblr des films qui sortent directement en VOD. Contact : frederic[at]filmsdelover.com