Les films invisibles, bientôt sur vos écrans ?
1800 films ont été soumis au Festival de Cannes cette année tandis que 600 “seulement” sortent sur les écrans de cinémas français tous les ans.
1800 films ont été soumis au Festival de Cannes cette année tandis que 600 “seulement” sortent sur les écrans de cinémas français tous les ans.
“Dreamworld”, un de ces films invisibles.
Lors de la conférence de presse pour l’annonce de la sélection du festival de Cannes 2014, Thierry Frémaux a mis en avant la possibilité pour n’importe quel film d’être soumis et regardé par le comité de sélection du célèbre Festival, du moment qu’il dure plus d’une heure. Ce sont donc 1800 films venus du monde entier qui ont été envoyés cette année, selon ses dires. Un chiffre vertigineux qu’il convient de comparer aux 600 films qui sortiront dans les cinés français cette année (et qui n’ont pas tous été soumis pour le Festival de Cannes).
Aux Etats-Unis, le festival du film indépendant de Sundance reçoit lui chaque année près de 12 000 films pour n’en sélectionner que 200. Parmi ces 200, seule une poignée débarque finalement en France. Que deviennent alors tous ces autres films, sélectionnés ou non à ces différents festivals ?
Pour que ceux-ci soient disponibles en France, il faut qu’un distributeur les voit, les aime et en achète les droits. Pour les voir, il faut que les festivals les sélectionnent. Il y a aussi les divers marchés du film à travers le monde mais ici aussi, il y a peu de places pour beaucoup de prétendants. Et beaucoup d’intermédiaires alors qu’une sortie française est encore loin d’être gagnée. Surtout que la sortie française au cinéma n’est pas non plus synonyme de succès ou bien d’exploitation vidéo/VOD dans la foulée. La Cour des Comptes estime à 10% le pourcentage de films sortis au cinéma en France qui ne font l’objet d’aucune exploitation en vidéo par la suite. Ainsi, même une fois arrivés en France, les films peuvent devenir invisibles une fois leur carrière ciné terminée (et celle-ci se termine en général très très vite).
Il serait facile de se dire que si ces films n’ont pas été sélectionnés pour des festivals et ne sont pas achetés par des distributeurs français, c’est parce qu’ils ne le méritent pas. Trop mauvais peut-être, trop segmentant aussi, pas assez vendeurs surtout. Les distributeurs sont des entreprises économiques comme les autres et il est normal que leurs choix de distributions soient motivés par des raisons économiques. Mais cela fait de ces distributeurs la première porte d’entrée à la cinéphilie, les gardiens du temple ciné, si l’on ne veut pas pirater.
Quelles solutions si on veut un jour voir ces films en France ?
La première solution est de ne plus penser en “sortie française” mais en sortie mondiale grâce à Internet. Une partie de ces films “invisibles” est déjà sortie sur la toile mais la France n’est pas un marché primordial pour eux (comprenez : ces films peuvent être géoblockés ou sans sous-titres français) et ils mettent donc le paquet sur d’autres territoires, les Etats-Unis et le Canada en tête.
La distribution directe (ou l’auto-distribution par Interent) rencontre un succès grandissant mais encore faut-il que les cinéastes en veuillent. Bien trop souvent, la recherche d’un distributeur à qui ils laisseraient les clés de la commercialisation de leur film les accapare et ils ne pensent même pas à sortir leur film convenablement en utilisant les nombreux outils qui ont fait surface ces derniers temps sur Internet. On a beaucoup parlé de Kickstarter évidemment qui intervient lors de la phase de production des films mais beaucoup moins des VHX, Vimeo on Demand, Distrify, Seed&Spark, IndieReign, Yekra et bien d’autres qui se veulent des plates-formes de distribution DIY pour cinéastes indépendants. A leur disposition : des outils pour packager, promouvoir, mettre en valeur leur film, le proposer à la vente, avec des bonus, sans bonus, avec sous-titres, à un prix fixe ou aléatoire, bref de quoi contenter tous les différents publics d’une audience planétaire qui se comptent en milliards de personnes.
Pour le spectateur et blogueur ciné que je suis, ces nouvelles plates-formes changent la donne puisqu’il faut d’abord trouver tous ces films. Les trouver, les regarder, les aimer pour en parler ensuite. J’évolue dans la blogosphère ciné depuis plus de cinq ans maintenant et je me surprends à délaisser de plus en plus les sorties traditionnelles au ciné pour le monde bien plus excitant des sorties indépendantes en VOD. Les sorties ciné, tout le monde en parle. Les médias, les magazines ciné, les autres blogs ciné. Les agences font leur promo, tout le monde parle des mêmes films, mercredi après mercredi. C’est un beau petit cirque dont je me suis fatigué au fur et à mesure, un paradigme qui ne me convient plus.
La nouvelle chasse au trésor dans ce monde ultra-connecté se trouve à mon sens dans la recherche de la pépite indé, tellement indé que ses créateurs l’ont sortie tous seuls comme des grands, tellement indé qu’elle n’est pas piratable et que la seule façon de la voir est de rétribuer son créateur directement, bref de prendre un risque pour ensuite essayer de la partager avec une nouvelle audience. C’est entre autres pour cela que nous avons lancé sur FilmsdeLover.com le “Label FDL”, pour tenter d’intéresser nos lecteurs à la distribution directe et aux petites pépites qui s’y trouvent en fournissant des sous-titres français aux réalisateurs étrangers desdits films. Cela leur permet de s’ouvrir sur un nouveau territoire et cela nous permet d’élargir le paysage des films disponibles pour les francophones.
L’autre solution viendra quand tous ces cinéastes et professionnels du ciné se rendront compte un jour qu’une sortie VOD mondiale sur Internet par ses propres moyens est plus profitable qu’aucune sortie du tout, même (et surtout) en France. Les chaines de télé n’en veulent pas ? Les services de VOD ou SVOD non plus ? Sortez vos films vous-mêmes plutôt que de les laisser pourrir dans un coin de vos étagères. Les solutions techniques existent et elles sont certes moins intéressantes financièrement qu’une vente de droits (au début du moins) mais elles vous permettent au moins de mettre vos films à disposition de spectateurs potentiels, de créer petit à petit une fanbase si votre film rencontre son public, sans attendre le couperet du box-office du mercredi à 14h. Une explosion de sorties VOD par Internet pour tous les types d’écran, voilà ce que j’attends personnellement parce que cela remettrait aussi les médias et la blogosphère ciné dans leur rôle de guide et non plus de cireurs de pompes pour distributeurs influents. Cette explosion se produit déjà en dehors de nos frontières, pour les anglophones only pour le moment. A quand pour la France et les films français ?
Je m’occupe de FilmsdeLover.com, le site dédié aux films d’amour et comédies romantiques. Contact : frederic[at]filmsdelover.com