Le rythme de diffusion hebdomadaire pour les émissions compétitives, le nouveau normal pour Netflix ?
Depuis 2019, Netflix a pris l'habitude de diffuser des émissions compétitives de façon hebdomadaire. De quelle façon précisément et cette tendance s'accentue-t-elle ?
En octobre 2019, Netflix lance “Rhythm + Flow”, une émission de télé-crochet musical aux Etats-Unis pour trouver la nouvelle star du rap. Avec des juges comme Cardi B et Chance the Rapper, l’émission est innovante pour Netflix puisqu’elle est la première du genre sur le service et cela s’accompagne d’un format de diffusion lui aussi innovant (pour Netflix) : la diffusion hebdomadaire sur 3 semaines, à raison de 4 épisodes la 1ère semaine, 3 épisodes la 2ème semaine et enfin 3 épisodes pour la 3ème semaine. Ce n’était pas la première fois qu’une émission était diffusée sur Netflix au format hebdomadaire (on se souvient que la première tentative était même la quotidienne “Chelsea” puis les talk-shows hebdomadaires avec Joel McHale, Hasan Minhaj ou Michelle Wolf), sans parler des séries acquises pour la France depuis les US qui ont eu depuis longtemps une diffusion hebdomadaire. Mais c’était une première pour une émission compétitive.
Depuis, les émissions compétitives hebdomadaires sont devenues relativement communes sur Netflix. Pour déjà bien définir les termes de ce que j’appelle “émissions compétitives”, je précise avant tout que cela ne concerne pour moi que les émissions dans lesquelles on suit le parcours des mêmes candidats sur plusieurs émissions avec à la fin une quelconque récompense à la clé pour celleux qui sont restés jusqu’au bout. Cette définition met donc de côté des émissions comme “Floor is lava” ou “Bullshit: the game show” dans lesquelles les candidats changent d’une émission à une autre mais elle comprend cependant des émissions comme “Love is blind” qui n’est pas à proprement parler une émission “compétitive” (sauf si trouver l’amour est une compétition en soi et cela pourrait se défendre). Voilà ce qu’on observe quand on regarde leur évolution :
Depuis 3 ans, Netflix sort donc une nouvelle émission par semaine en moyenne mais on assiste à une augmentation assez nette des nouvelles émissions compétitives selon la définition que j’ai expliqué. En 2023, sur les 3 premiers mois de l’année, c’est quasiment l’intégralité des nouvelles émissions que je considère comme étant compétitives. On peut notamment nommer “100% physique” en provenance de Corée du Sud qui réussit fort bien dans les Tops 10 hebdomadaires de Netflix pour l’instant.
Les émissions compétitives sont un genre idéal pour la diffusion hebdomadaire puisqu’on s’attache à des candidats qu’on va voir évoluer pendant plusieurs semaines. Et là où Netflix a toujours privilégié le format “binge” pour ses séries, il est beaucoup moins à cheval sur ce principe quand il s’agit d’émissions compétitives, sans pour autant passer complètement au modèle de diffusion hebdomadaire comme on peut le voir ci-dessous :

Plus ou moins 50/50 semble donc être la norme depuis 2021 et on devrait assister à cela aussi en 2023, une fois que toutes les nouvelles saisons seront sorties. Il n’y a donc pas forcément de tournant vers la diffusion hebdomadaire plus marquée ces derniers mois, malgré une hausse du nombre d’émissions compétitives.
Intéressons-nous maintenant à certaines émissions en particulier.
“The Circle”.
Format adapté d’une émission anglaise, l’émission “The Circle” (dans laquelle des gens sont enfermés dans un immeuble et ne peuvent communiquer entre eux qu’à travers un réseau social - je recommande, c’est très bien !) a très tôt été sur un format de diffusion hebdomadaire et celui-ci n’a pas beaucoup changé au fil des saisons. Un épisode a été rajouté sur la version US entre les saisons 2 et 5 mais rien de foncièrement changeant.
Le principal changement sur “The circle” vient de la version française qui est la seule à ce jour à avoir été diffusée au format binge et celle-ci ne comptait que 10 épisodes au lieu des 12-13 des versions US et brésilienne.
“Séduction haute tension”
Des corps beaux et bronzés qui ne doivent pas fauter sous le soleil, voilà en somme le concept de “Séduction haute tension” que je vous laisse juge d’apprécier à sa juste valeur. Ce qui est intéressant avec cette émission par contre, c’est que Netflix a beaucoup expérimenté sur les formats de diffusion au cours de ses 7 saisons en 3 éditions. Les saisons 1 et 3 ont ainsi été diffusées en format binge tandis que la S2 a d’abord publié 4 épisodes en semaine 1 puis 6 en semaine 2. La S4 a elle encore bougé en privilégiant 5 épisodes en semaine 1 et 5 épisodes en semaine 2.
La version brésilienne de l’émission est elle constante avec un format hebdomadaire sur deux semaines, tandis que la version latino (mexicaine) est la seule à avoir duré 3 semaines.
“Love is blind”
L’amour est-il aveugle ? C’est la question que pose “Love is blind”, cette émission dans laquelle des gens se rencontrent uniquement en se parlant, sans se voir avant de franchir le pas et de voir si leur couple peut durer (et c’est pas mal aussi dans le genre, je recommande).
Trois versions sont déjà sorties de cette émission (en attendant la version anglaise et suédoise) et chacune a eu son format de diffusion particulier.
5-4-1 pour certaines saisons, 4-3-3-2 ou même 4-4-2-1 pour d’autres, rien n’est définitif pour “Love is blind” qui ajoute en plus un élément dans le mix, à savoir des épisodes “retrouvailles” dans lequel les candidats se retrouvent après l’expérience pour régler leur compte. D’autres émissions le font mais ces épisodes sont publiés généralement bien plus tard. “Love is blind” les diffuse en général dans la foulée du dernier épisode, ou quelques semaines plus tard dans le cas de la version brésilienne.
Quel impact du format hebdomadaire sur l’étude des chiffres en heures vues de Netflix ?
Bien égoïstement, je déteste le format de diffusion hebdomadaire parce qu’il rend beaucoup plus compliqué l’étude des chiffres en heures vues partagées par Netflix. La mesure en EVC ne s’applique pas vraiment à un temps total disponible qui évolue d’une semaine sur l’autre mais elle retrouve son utilité une fois que tous les épisodes sont diffusés et que l’on peut calculer un EVC théorique total à la fin de la période de diffusion mais ça ne sera jamais parfait. A moi donc d’arriver à trouver une meilleure façon de rendre compte de l’évolution de ces chiffres d’heures vues semaine après semaine. Si vous aimez ce que vous lisez et que vous voulez recevoir les prochains numéros de cette newsletter directement dans votre boite mail, n’hésitez pas à vous inscrire !
Conclusion
J’aurais pu aussi parler de “L’ultimatum, on se marie ou on se quitte” qui lui a tenté, avec succès, le format 8-2, à savoir 8 épisodes la 1ère semaine puis les 2 derniers la semaine d’après. J’aurais pu parler aussi de l’émission espagnole “Insiders” dont la première saison fut diffusée en binge avant de voir la deuxième saison diffusée en hebdomadaire.
Difficile de ne pas y voir des ajustements, des tests sur le long cours pour voir quel format permet d’engager le maximum de gens et de les garder engagés le plus longtemps sans que ça ne soit trop longtemps non plus. Une diffusion d’un épisode sur 10 semaines fait aussi perdre des spectateurs par exemple donc le but pour Netflix semble ici de trouver le meilleur compromis entre format binge et format hebdomadaire et pour l’instant, ce compromis semble s’établir sur “plusieurs épisodes” pendant 3-4 semaines maximum.
Mais les expérimentations ne s’arrêtent pas là puisque ces dernières semaines, deux émissions compétitives (la saison 2 de l’émission de dating sud-coréenne “Sauve qui pécho !” et la saison 1 de l’émission sud-coréenne “100%” physique”) ont fait quelque chose qui n’avait pas encore été fait pour des émissions compétitives sur Netflix, à savoir une diffusion étalée sur 5 semaines, à raison de 2 épisodes par semaine.
Toute la question est maintenant de savoir quel format de diffusion sera retenu pour ce qui doit être la principale émission de Netflix en 2023 : “Squid Game" : The Challenge” dans laquelle 456 candidats concourent pour toucher le pactole de 4,56M de dollars, à l’image de la série.
Enfin, plus largement, on verra si ces expérimentations mènent à des changements dans les autres genres sur Netflix. Les séries documentaires “Harry & Meghan” et "Les enquêtes impossibles” ont aussi tenté la sortie hebdomadaire (3-3 et 3-3-3) tandis que côté séries, Netflix a expérimenté ces derniers temps avec les saisons coupées en deux et diffusées à un mois d’écart (comme “You” S4, “Stranger Things” S4) ou plus long comme pour la S4 de “Ozark”, la S2 de “Firefly lane” ou la série sud-coréenne “The Glory” (3-4 mois d’écart), en n’oubliant pas non plus la sortie étalée sur 5 jours des 10 épisodes du “Cabinet des curiosités de Guillermo Del Toro” à raison de deux épisodes par soir. Bref, des expérimentations partout qui vont continuer jusqu’à ce que Netflix trouve la formule magique ou décide qu’il n’y en a pas et que chaque programme a potentiellement un format particulier qui lui sied. Dans tous les cas, je suivrai ça avec attention.
Bon début de semaine !