"L'école du bien et du mal" fait le bien, "Notre-Dame: la part du feu" ne fait aucune étincelle, "Dahmer" termine ses 28 premiers jours.
Les audiences Netflix du 17 au 23 octobre 2022.
Pays et services concernés : Les 192 pays et territoires dans lesquels Netflix est présent, sur tous les terminaux (TVs, smartphones, tablettes, PC, consoles etc.) comptabilisés du lundi au dimanche.
Mesure utilisée : Millions d’EVC, soit en Équivalents de Visionnages Complets, c’est-à-dire que je divise les heures vues annoncées chaque semaine par Netflix par la durée des films et des séries en question. Cela me permet de comparer entre eux des programmes de taille différente mais cela ne veut pas non plus dire qu’il s’agit d’audiences à proprement parler mais d’une équivalence de visionnages des films et de saisons de la première à la dernière seconde.
Limites : La mesure en heures vues favorise les programmes de longue durée, et/ou ceux qui ont été disponibles le plus longtemps sur une semaine donnée. Pour en savoir plus sur les limites des mesures d’audience en SVOD, lisez cet article.
Glossaire : W1/W2/W3 : Week 1, Week 2, Week 3 (Semaine).
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🎥 Films.
Les films qui continuent leur exploitation.
Que du normal cette semaine pour les films qui continuent leur exploitation et qui font peu ou prou ce qu’ils devaient faire pour leur nouvelle semaine. A noter quand même la baisse moins forte que prévue pour “Luckiest Girl alive” qui ne perd que 66% en W3.
Parmi les films qui reviennent de façon assez surprenante, on a tout d’abord “Loving Adults” et “Blood Red Sky” (sorti à l’été 2021) tout de même, mais le retour le plus intéressant est celui du film néerlandais “Forever Rich” qui semble avoir gagné un petit buzz sur TikTok et qui repointe donc le bout de son nez dans le classement quasiment un an après sa sortie.
Les nouveaux films.
La sortie principale de la semaine dernière était “L’école du bien et du mal” de Paul Feig, un film familial de 2h30 tout de même et qui se lance avec l’équivalent de 32 millions de visionnages complets en 5 jours. C’est plutôt dans la moyenne haute des films US sortis un mercredi, loin de “Kissing Booth 3” et de “Hustle” mais sur le podium tout de même des sorties du mercredi. Une bonne performance donc mais il faudra voir comment il se comporte en W2.
La sortie “prestige” de la semaine était “The Stranger”, un film australien avec Joel Edgerton passé par Un Certain Regard au festival de Cannes cette année. Avec 8,7 millions d’EVC en 5 jours, il fait mieux que l’autre film “prestige” anglophone mais pas américain dans mon dataset mais ce n’est pas forcément éclatant non plus. A titre personnel, je l’ai vu et n’ai pas été convaincu du tout par le film, que j’ai trouvé assez prétentieux dans sa forme et assez nébuleux dans son fond. Le film s’appuie sur un fait divers apparemment très connu en Australie ce qui peut expliquer ce montage assez déroutant.
La dernière nouveauté Netflix Original à intégrer le Top cette semaine est la comédie romantique sud-coréenne “20th Century Girl”. Avec 4M d’EVC en 3 jours, c’est un démarrage modeste mais dans la moyenne des autres films Netflix de la zone Asie-Pacifique.
📺 Séries.
Les séries qui continuent leur exploitation.
Après son démarrage canon, “The Watcher” faiblit en W2, comme attendu. Il repasse sous la courbe de “Dahmer” et ne devrait plus repasser au-dessus, sauf retournement de situation extraordinaire (du style : le “watcher” dans la vraie vie est arrêté). Mais quasiment 50M d’EVC en 11 jours est une très belle performance à souligner.
“Dahmer” lui a bouclé ses 28 premiers jours avec 96,9M d’EVC, soit pile dans la fourchette que j’avais estimée il y a quelques semaines. Si on compare ce chiffre avec uniquement les autres “nouvelles” séries, il prend la 2ème place du classement, derrière “Squid Game” et devant “Lupin”.
Les nouvelles séries.
Netflix semblait beaucoup croire en “From scratch”, nouvelle mini-série en mode “Live. Love. Laugh” mettant en scène Zoe Saldana et le marketing fut en tous cas assez important aux US. Après 3 jours, les chiffres sont assez décevants pourtant avec seulement 4,6M d’EVC, soit le 7ème démarrage pour une mini-série américaine sortie un vendredi. Si je devais parier, je dirais que ce public est avant tout américain.
La saison 1 de “Barbares” avait été commencée par 37 millions de comptes abonnés pendant ses 28 premiers jours selon les chiffres de Netflix de 2020. Un score honorable pour une série allemande mais il aura fallu deux ans pour accoucher d’une saison 2 qui se lance avec 3,1M d’EVC en 3 jours. Entre 37 millions de comptes starters et 3,1 millions d’EVC, il y a un gouffre mais qui s’explique par le fait que l’on ne calcule pas les mêmes choses. Impossible donc de savoir si cette saison 2 se lance mieux ou moins bien que sa S1 (elle se lance sans doute moins bien, comme généralement toutes les S2). Je peux uniquement la comparer dans mon dataset avec la S2 de “Biohackers”, autre série allemande dont la S2 est sortie un vendredi. A noter d’ailleurs que la S1 de la série est revenue dans le Top cette semaine, la marque des séries importantes de Netflix.
Une émission pour changer avec “28 days haunted” qui met en scène des gens passant 28 jours dans un lieu supposément hanté. La sortie juste avant Halloween a bien marché puisque la série réalise le meilleur lancement pour une nouvelle émission sortie un vendredi dans mon dataset avec 3,9M d’EVC.
La série docu true crime de cette semaine nous vient d’Italie et s’intéresse à une mystérieuse affaire au Vatican. Avec 3M d’EVC en 4 jours, la série se lance dans les traces d’une autre série docu internationale sortie un jeudi.
😵 Les absents notables.
L’absent le plus notable des charts cette semaine est la non-présence de “Notre-Dame : la part du feu”, la série française à grand budget qui malgré son pitch prometteur et qui aurait dû s’exporter correctement à travers le monde, n’a pas réussi à percer au-delà de la France, de la Belgique et du Luxembourg, des Bahamas, de la Pologne et de l’Uruguay selon Flixpatrol.
Une sacrée déception quand même mais dans la lignée de la plupart des séries françaises de Netflix. Pas de love non plus cette semaine pour la série polonaise “Le gang du gant vert” et le documentaire américain “Descendant” qui devrait tenter de se faire une place aux Oscars cette année.
⏭️La semaine prochaine.
Beaucoup de choses cette semaine à surveiller dans les Tops de la semaine prochaine. Il risque cependant d’y avoir de la casse. On suivra notamment les lancements de “Wendell & Wild” d’Henry Selick, “A l’Ouest rien de nouveau”, “The good nurse” de Tobias Lindholm (qui pourrait profiter d’un effet “Dahmer”). Côté série, la semaine est rythmée par la sortie échelonnée du “Cabinet des curiosités de Guillermo Del Toro” (qui va poser un tout petit problème de méthodologie pour la mesure en EVC) et aussi la série anglaise “Mal & Fils” qui a aussi tout pour se vautrer.
(Non-)Recommandation liée à Netflix.
📖 ”Netflix, l’aliénation en série” de Romain Blondeau.
Le pro-amateurisme total, dans mon cas, c’est de tenter de tout lire sur Netflix, même ce qui provient de détracteurs notoires de Netflix. Dans cet essai de 60 pages, l’ex-journaliste désormais producteur Romain Blondeau fait l’apologie du rythme hebdomadaire pour la diffusion des séries (une grande communion populaire selon lui et pas du tout une aliénation nécessitant des masses qu’elles soient dispos à une heure précise voulue par de grands groupes médias, non non), blâme le format de sortie binge de tous les maux de notre société actuelle, fustige l’uniformisation des séries Netflix tout en pointant du doigt qu’il est cependant impossible de définir une ligne éditoriale claire pour le service et décrit avec jubilation les scènes de jeunes qui ont mis le foutoir au Grand Rex pendant la séance d’un film d’animation japonaise, signe pour lui d’une génération qui se débat de cette façon pour que le cinéma ne meurt pas sous le joug de Netflix (sic). L’auteur confond aussi profits et chiffres d’affaire mais qui sommes-nous pour remettre en cause son analyse économique…
L’essai tente aussi des cabrioles, en liant l’arrivée et l’essor de Netflix avec l’avènement d’Emmanuel Macron en 2017. Un président néo-libéral qui aurait facilité l’installation du service (néo-libéral lui aussi apparemment) dans nos chaumières. C’est nier que la France a été séduite par Netflix en même temps que le reste du monde et que oui, notre territoire n’est pas une exception dans le paysage mondial, comme cela avait pu pourtant être imaginé par certains lors de l’arrivée de Netflix. Dans les faits, la présidence Macron a aussi été celle pendant laquelle Netflix a vu sa contribution envers les oeuvres françaises passer à 25% de son chiffre d’affaires en France (+5% de son chiffre d’affaire qui doit aller au pot commun du CNC) alors qu’en 2014, sa contribution était uniquement de 2%. Pas l’impression donc que les Ministres de la Culture successifs des dernières années aient été particulièrement coulants envers Netflix.
La seule aliénation que je vois dans cet essai, c’est ce discours anti-Netflix qui est strictement le même depuis des années et que l’on pourrait résumer sur une (grande) grille de bingo dont cet essai coche chaque case avec application. Un discours qui se base à part égale sur des ressentis persos bancals, une appréhension du futur qui en dit plus long sur l’auteur qu’autre chose (“OK, maintenant, ça va mais imaginons dans 5 ans ?”) et le fait que ces personnes qui tiennent ce discours ont toutes pour point commun de faire partie du secteur ciné et audiovisuel français. Un essai qui devrait en ravir plus d’un donc. Pour ceux qui aiment aller au-delà des jugements à l’emporte-pièce, vous pouvez passer votre chemin (ou le lire, cela ne prend après tout que 30 minutes si vous arrivez à ne pas lever les yeux au ciel toutes les deux minutes). ⭐/5
C’est tout pour cette semaine côté Netflix, on se retrouve en fin de semaine pour parler des chiffres Nielsen du mois dernier !