La folie des “bundles” va-t-elle aussi conquérir le secteur cinéma ?
Les “bundles” sont partout dans le secteur du jeu vidéo et petit à petit, les films aussi sont concernés.
Les “bundles” sont partout dans le secteur du jeu vidéo et petit à petit, les films aussi sont concernés.
Ils sont partout. “Humble bundle”, “Indie Royale”, “Indie Gala”, “Bundle stars”, “Groupees”, autant de noms de bundles qui ne vous disent peut-être pas grand chose mais qui sont familiers pour les amateurs de jeux vidéo sur ordinateur. Le concept de ces bundles est simple : un pack de jeux vidéo en vente à un prix déterminé par l’acheteur, généralement sans DRM ou à récupérer sur des plates-formes tierces et dont les revenus sont partagés, par l’acheteur, entre les développeurs des jeux, la plate-forme et des associations caritatives. Un concept très vite adopté par les joueurs et qui s’est généralisé avec la multiplication des plates-formes.
Humble Bundle, le maitre incontesté du genre.
S’il ne fallait prendre qu’un exemple, ce serait incontestablement le “Humble Bundle”, le roi des bundles. Lancé en 2010, il s’est rapidement imposé par sa facilité d’utilisation et les jeux qu’il proposait. Au début, les bundles étaient assez espacés dans le temps, créant le buzz à chaque fois. Désormais, il y en a plusieurs par semaine. Les chiffres sont éloquents : au 31 janvier 2014, les ventes des différents “Humble Bundle” ont rapporté 33 millions de $ à des associations caritatives. Malgré le modèle économique et le non-DRM (c’est à dire des jeux vidéo non protégés et donc potentiellement partageables sur les réseaux pirates sans difficulté), le système semble donc profiter à tous les acteurs qui y participent, et notamment les développeurs. L’acheteur lui a l’impression de faire une bonne action tout en s’achetant des jeux à des prix bien moindres que dans le commerce.
Après les jeux vidéo PC, Humble Bundle s’est développé et a proposé des jeux sur Androïd, puis des eBooks, des enregistrements de stand-up américains etc mais tarde à vraiment passer la seconde en ce qui concerne les films. Il a pourtant testé l’idée en mars 2014 en proposant un Humble Bundle “Devolver Digital” comprenant des films et des jeux vidéo.
5 jeux vidéo PC et 5 films, au prix que l’on veut (et plus de 10$ pour débloquer tous les jeux et tous les films.) et en faveur d’un développeur de jeux vidéo atteint d’un cancer. Une première pour un bundle aussi réputé. Dans cet exemple précis, il a fallu quand même une prise de risque de l’éditeur Devolver Digital qui a cette spécificité d’être éditeur de jeux vidéo mais aussi de films via une filiale dédiée.
C’est clairement une première étape vers un développement plus massif avec des distributeurs plus “connus”. A l’origine, le Humble Bundle se cantonnait à des jeux indépendants puis a évolué en attirant dans ses filets des géants du secteur comme feu THQ, Deep Silver, EA, Warner Bros etc. Il n’y a plus aujourd’hui de distinction entre les jeux indépendants et de grands studios pour le Humble Bundle. Il manque donc à celui-ci ce premier bundle vidéo référence avec des distributeurs de majors pour vraiment exploser. Je mise personnellement sur Warner Bros qui expérimente beaucoup avec la VOD via Internet et qui a aussi expérimenté le Humble Bundle via sa division jeux vidéo.
D’un point de vue technique, les films du Humble Bundle Devolver étaient à faire valoir auprès de la plate-forme VHX. Une fois le bundle acheté, un lien nous était envoyé par mail, lien qui nous renvoyait lui-même vers une page dédiée sur laquelle étaient affichés les différents films du bundle. L’efficacité de VHX n’étant plus à prouver, le système fonctionne bien pour l’utilisateur. Au final, le Humble Bundle Devolver a récolté 72 000$ pour 19 500 bundles vendus, un faible montant si on compare aux autres Humble Bundles. La question que l’on peut se poser est “le public est-il prêt ?”.
Les bundles de films, des initiatives éparses.
Le seul service qui propose des bundles de films de façon régulière actuellement s’appelle Vodo mais le film n’est jamais seul. Il est toujours accompagné d’e-books, de jeux vidéo, d’albums de musique pour être en définitive un bundle crossmedia sur des sujets différents à chaque fois. En ce moment, c’est le “Really creepy bundle” qui est à l’honneur pour les amateurs du genre horrifique.
Mais Vodo propose également un autre bundle dédié exclusivement à des films en partenariat avec le festival du film de Cork (Irlande). Au programme, des longs et courts métrages au prix que l’on veut, avec différents paliers.
Hélas, la sauce a bien du mal à prendre avec à peine 130 acheteurs. Pourtant, les graines du mouvement sont là et il manque une nouvelle fois ce bundle référence auquel je faisais allusion plus haut.
Une autre initiative dans le domaine vient de JumptheCut, un tout nouveau service qui devrait être lancé à l’été 2014 et qui proposerait 4 films indépendants par mois avec la possibilité d’acheter par bundle ou de s’abonner pour les différents bundles à l’année. Une initiative intéressante donc mais qui doit encore faire ses preuves. D’autres devraient éclore en prenant modèle sur ceux qui existent déjà mais il y a à mon sens encore quelques obstacles à franchir pour vraiment se développer.
Différentes barrières à franchir.
La première est l’obstacle du moyen technique. Jouer à des jeux sur ordinateur, cela coule de sens. Regarder un film sur ordinateur semble lui réservé aux films piratés dans l’inconscient collectif, et non aux films vraiment achetés. Un verrou mental aussi peu aidé par le fait que dans bien des foyers, le salon fait face à la télé et non à l’ordinateur. Des contournements techniques existent mais cela reste encore compliqué pour le grand public. La cible privilégiée de ces bundles apparait donc comme étant les jeunes actuellement, qui consomment depuis longtemps sur ordinateur, tablette ou smartphone.
Le second est l’obstacle de la langue. Tous ces bundles sont destinés aux différents marchés anglophones et la plupart ne font même pas l’effort de proposer des sous-titres anglais, films indépendants oblige. Une barrière linguistique qui pourrait sauter à l’avenir mais ce sera uniquement du ressort des distributeurs.
La dernière (et principale) barrière est celle légale. Là où les jeux vidéo sont désormais édités et distribués au niveau mondial par des géants du secteur ou par les développeurs eux-même de façon indépendante, le secteur du ciné est encore très territorialisé avec des droits de diffusion vendus par territoires spécifiques. Par exemple, Warner Bros a une filiale française qui s’occupe de la commercialisation de ses titres sur un territoire donné et un bundle de films à disposition pour le monde créerait probablement des soucis juridiques. Il faudrait également probablement compter sur un boycott des plates-formes françaises de VOD vis-à-vis des films mis à disposition dans un tel bundle. Mais on peut imaginer qu’une expérimentation pourrait être tenté avec des films plus vieux et surtout en partant du principe que tous les films récents sont disponibles illégalement. Il faut redonner aux spectateurs l’habitude de payer pour ce qu’il regarde et les bundles contribuent à cela.
Et en France alors ?
La question peut sembler ridicule mais force est de constater qu’en France, on est encore loin de la création de tels bundles. On voit apparaitre quelques initiatives françaises dans le secteur du jeu vidéo, avec “le Game Bundle” notamment, lancé en 2013 qui a permis pendant quelques jours de payer 8,99€ pour un bundle de 5 jeux vidéo made in France. Mais le secteur français n’est pas prêt, pas avec un système de financement des films qui verrouillent les droits de diffusion entre Canal Plus, les chaines hertziennes, les chaines payantes, les acteurs VOD etc. On pourrait par contre imaginer un bundle de films français indépendants qui permettrait à ces films de se faire connaitre. Une initiative made in France et innovante. C’est en tous cas une idée que je vais creuser personnellement parce que je pense qu’elle peut apporter un vent de fraicheur dans le secteur sclérosé de la VOD française. A suivre donc.
Je m’occupe de FilmsdeLover.com, le site dédié aux films d’amour et comédies romantiques et de Direct-to-VOD, le Tumblr des films qui sortent directement en VOD. Contact : frederic[at]filmsdelover.com