8 interrogations autour de Disney+, le futur service SVOD de Disney.
L’annonce, début novembre 2018, du nom du futur service SVOD de Disney a lancé les hostilités de la prochaine guerre de la SVOD, dans…
L’annonce, début novembre 2018, du nom du futur service SVOD de Disney a lancé les hostilités de la prochaine guerre de la SVOD, dans laquelle s’affronteront Netflix, Amazon, Apple, Disney, Warner, Facebook, Youtube et peut-être quelques autres acteurs mondiaux. Si Disney parait pourtant le mieux armé pour vaincre, j’évoque dans cet article quelques interrogations autour du service et notamment dans sa capacité à devenir le roi suprême de la SVOD mondiale.
Quelle place dans le catalogue pour les contenus tiers ?
Sans doute aucune. Les premiers échos de la plate-forme font état d’un catalogue découpé en 5 univers autour des marques emblématiques de Disney : Disney, Pixar, Marvel, Star Wars et National Geographic. Si cela représente de base une extraordinaire richesse de contenus Disney sur le papier, cette distinction éditoriale ne laisse par contre aucune place pour d’éventuels contenus tiers d’autres studios. Difficile dans ce cas de l’imaginer être un concurrent à des services SVOD généralistes comme Netflix dont le catalogue provient de différents studios pour l’instant.
Quelle place dans le catalogue pour les contenus Fox ?
Cela dépendra sans doute du film mais le fantasme d’un catalogue total Disney + Fox risque d’être assez rapidement douché, surtout avec l’orientation “Famille” voulue par Disney pour Disney+. Tous les films de la Fox un peu plus adultes n’y trouveront normalement pas de place mais on devrait y retrouver des franchises comme “X-Men” et “Avatar”, avec toujours cette incertitude du positionnement dans les différents univers. Si “X-Men” aura sa place dans l’univers “Marvel”, “Avatar” ira-t-il se mettre dans “Disney” ? En théorie, tout ce qui ne s’intègrera pas dans l’offre Disney+ finira sur la version internationale de Hulu que Disney devrait aussi lancer dans les mois qui viennent.
Peut-on espérer de nouvelles licences dans les contenus créés spécifiquement pour la plate-forme ?
Sans doute pas tout de suite, non. Les premiers contenus annoncés sont soit des spin-offs, soit des reboots/remakes de films et séries déjà existants. C’est là à mon sens l’un des effets pervers de l’éditorialisation dans les 5 catégories déjà évoquées : Disney peut compter sur ses licences pour attirer les abonnés, mais il ne peut aussi que compter sur elles pour les garder. Et si Netflix ou Amazon tentent eux de varier les genres et les pays d’origine pour leurs contenus maisons en s’internationalisant, Disney lui prend le risque de devoir tourner en rond autour de ses licences maisons ad nauseam. Certains apprécieront sans doute mais je ne pense pas qu’on pensait forcément il y a quelques années que Netflix ou Amazon pourraient devenir des parangons de la diversité des films du monde entier.
Quelle intégration des différents droits d’exploitation dans le catalogue, pays par pays ?
Sur le papier, le catalogue Disney et Fox sera pléthorique. Mais le problème risque d’être, au début tout du moins, de démêler les droits d’exploitation des différents titres au cas par cas, pays par pays. Une tâche gigantesque qui demandera du temps, des compétences et de l’argent à Disney pour proposer un service relativement identique dans tous les pays du monde. Le risque : décevoir les abonnés du monde entier, hors Etats-Unis, avec un catalogue risible en comparaison avec celui des US. Une question connexe est aussi de se demander si Disney+ sera disponible partout dans le monde en même temps. La sortie US sera fin 2019 mais il faudra peut-être attendre 2020 ou 2021 pour voir le service en France.
Disney doit-il sacrifier le physique ou le ciné pour se lancer à fond dans la SVOD ?
C’est la principale interrogation à mon sens. Disney a bien compris, et très tôt en plus, que la rareté de ses contenus en faisait sa richesse. Il est aussi très impliqué dans l’exploitation au cinéma de ses films, puis en VOD, DVD, Blu-Ray, sur des chaines TV etc. Or la SVOD qui semble séduire actuellement est normalement synonyme de disruption, celle qui abaisse les frontières entre les différents modes de diffusion entre ciné, physique et délinéarisé. Pas facile de changer son fusil d’épaule du jour au lendemain mais il faudra peut-être en passer par là pour vaincre. Autre problème, la dispo ad vitam aeternam de tous les titres du catalogue Disney en SVOD en diminueront forcément la valeur. Mais de l’autre côté, Disney aurait du mal à faire avaler à ses abonnés un catalogue Disney+ qui ne serait pas exhaustif, surtout après l’espoir immense suscité depuis son annonce. Disney devra donc faire des choix qui impacteront durablement son modèle économique.
Comment Disney+ s’intégrera-t-il dans la législation européenne, notamment celle de l’exposition des contenus européens ?
Autre inconnue de taille, à l’heure où les quotas d’exposition d’oeuvres européennes décidés par l’Union Européenne doivent être mis en oeuvre pour 2020. Que ce soit Fox ou Disney, on ne peut pas dire que les deux disposent dans leur catalogue de beaucoup de contenus maison européens à même de satisfaire ce futur quota. Pire, la sortie de l’UE du Royaume-Uni pourrait empêcher les contenus britanniques d’être comptabilisés dans ce quota, alors que c’est généralement ce qui est utilisé. Le pivot de Netflix ou Amazon vers la création de contenus espagnols, français, allemands et j’en passe n’est pas tout à fait innocent mais ils ont l’avantage de ne pas avoir de ligne éditoriale à respecter. Disney lui devra réussir à trouver du contenu européen qui s’intègre dans sa vision largement américaine de ce que représente Disney. Quelques portes de sortie cependant : tout miser sur National Geographic en la gavant de contenus européens et miser aussi sur la création de dessins animés européens, plus facilement solubles dans l’univers Disney. On pourra aussi imaginer la création de nouvelles licences mais aucune n’a été encore annoncée et le temps presse.
Combien coûtera le développement mondial d’Hulu à Disney?
Lors des derniers résultats de Disney, nous avons appris que Hulu avait accumulé près de 1,23 milliard de dollars de pertes en 2018, rien qu’avec son exploitation sur le territoire américain. Ce qui n’a pas empêché Disney d’annoncer qu’il développerait Hulu à l’international, en parallèle à Disney+. On suppose qu’Hulu sera la maison de tous les contenus Fox qui ne pourraient pas être proposés sur Disney+, ce qui ferait des deux services le vrai service SVOD ultime Disney-Fox rêvé par de nombreuses personnes. Mais on ne peut pas non plus éluder la question du coût de ce développement à l’international, qui pourrait faire peser des pertes conséquentes sur la firme à la souris. Technique, catalogue, achat de droits, l’addition risque de monter très rapidement, surtout si le service accumule autant de dettes qu’aux Etats-Unis. Disney a les reins solides mais il pourrait avoir à faire un choix très rapidement entre pertes colossales et exploitation plus traditionnelle de ses titres avec des partenaires dans les différents pays.
Disney+ est-il vraiment un concurrent de Netflix ou Amazon ?
Pour l’instant et sur le peu d’infos dont nous disposons, non. Et Bob Iger ne s’en ait jamais caché d’ailleurs. Il l’aurait été en proposant un catalogue maison et tiers lui permettant de siphonner les abonnés Netflix qui auraient volontiers échangé les contenus maison Netflix/Amazon contre ceux Disney. Mais échanger contenus Netflix/Amazon + contenus tiers contre un catalogue uniquement Disney Famille ne me parait pas être réaliste. A moins d’être véritablement fan de Disney et de n’avoir que 7€/mois à mettre en SVOD.
Par contre, son catalogue Fox/Disney exclusif (mais pour lequel il faudra sans doute s’abonner à la fois à Disney+ et à Hulu) en fera un complément idéal à Netflix ou Amazon qui ne disposaient de toutes façons que de très peu de contenus Disney. Pour 25€/mois, on pourrait peut-être bientôt disposer des catalogues Netflix et Amazon (+ tiers) mais aussi Disney et Fox. Les plus à plaindre seront sans doute les chaines de TV payantes ou les services SVOD généralistes sans contenus maison ou ligne éditoriale claire.
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