"365 jours : au lendemain" démarre fort, "Heartstopper" progresse bien.
Les audiences Netflix pour la semaine du 25 avril au 1er mai 2022.
Avant-propos
Dans ce rapport hebdomadaire des “audiences” Netflix, je parle en EVC, soit en Équivalents de Visionnages Complets, c’est-à-dire que je divise les heures vues annoncées par Netflix par la durée des films ou saisons de séries en question. Cela me permet de comparer entre eux des programmes de taille différente mais cela ne veut pas non plus dire qu’il s’agit d’audiences à proprement parler mais d’une équivalence de visionnages de tel film ou telle saison de la première à la dernière seconde, dans le monde entier, sur tous les appareils. Pour en savoir plus sur les limites des mesures d’audience en SVOD, lisez cet article.
J’utilise aussi la lettre W pour parler des semaines d’exploitation (W2, W3…) et la lettre S pour parler des saisons de séries (S1, S2 etc.). Vous savez tout ! Si vous n’êtes pas encore abonné/e, n’hésitez pas à le faire pour recevoir gratuitement chaque futur article directement dans votre boite mail !
🎥 Films.
Les films qui continuent leur exploitation
“The Adam Project” s’approche de la fin de son exploitation "observable à travers le Top 10 hebdomadaire et ajoute 3,2M d’EVC en 8ème semaine (-24%). “The In-between” ajoute lui 3,1M d’EVC en 4ème semaine et perd 55% par rapport à la semaine dernière. Une assez forte chute par rapport à la moyenne.
“Furioza” et “'Yaksha” auront eu eux des trajectoires quasi parallèles tout au long de leurs 4 premières semaines et perdent 55% et 50%. La fin de l’exploitation observable est proche pour eux aussi. La rom-com polonaise “Moi, apprivoisée ?” s’effondre elle en 3ème semaine (-74%). On lui dira sans doute bye bye la prochaine fois. Enfin, le film italien “Le tournant”, après un début assez médiocre, progresse de 9% en 2ème semaine et atteint 3,9M d’EVC. Pour un film étranger sorti un mercredi, la 2ème semaine est généralement une chute de 30% donc c’est pas mal du tout.
Les nouveaux films
La sortie de la semaine, c’est le deuxième film de la saga “365 jours”, l’équivalent Netflix de “50 shades of Grey” (en encore plus malsain dans son histoire). Le premier film avait trusté les premières places des tops dans le monde entier en 2020 sans qu’on ait plus de chiffres et la sortie du deuxième film permet un peu d’estimer la portée de ce premier film. Et c’est un démarrage énorme, avec 42,2M d’EVC, soit le 6ème lancement pour un film Netflix (depuis qu’on a les chiffres, soit fin juin 2021). Un résultat à mitiger légèrement puisqu’il est sorti mercredi dernier, ce qui lui donne deux jours de plus que les autres films du Top. Mais tout de même, c’est un démarrage très important pour un film sans aucune tête d’affiche connue.
Si on le compare aux lancements des autres films non-US, c’est carrément une classe au-dessus. A noter que le premier film a lui aussi fait une réapparition dans le Top 10 cette semaine et engrange 5,2M d’EVC.
On trouve aussi dans ce Top 10 des démarrages de films non-US “Silverton Siege”, le film d’action sud-africain qui réalise un excellent démarrage lui aussi avec 12M d’EVC. La comédie espagnole “Sous les palmiers, ma mère !” réalise elle un démarrage à 5,8M d’EVC, le 3ème démarrage pour un film espagnol sur les 11 dont je dispose.
Dans les autres démarrages, l’animé japonais “Bubble” (très mis en avant par le compte Twitter Netflix France) réalise un démarrage correct avec 2,6M d’EVC. Si on le compare avec les autres animés japonais dont on dispose, c’est un peu mieux que la moyenne.
On parlait la semaine dernière du documentaire sur la marque “Abercrombie & Fitch”. Plus de traces de lui cette semaine après son lancement mais un autre documentaire, “The mystery of Marylin Monroe”, qui débute avec 9,1M d’EVC. Ce n’est pas “L’arnaqueur de Tinder” mais c’est un lancement middle tier pas déshonorant.
📺 Séries.
Les séries qui continuent leur exploitation
Derrière la S2 de “Bridgerton”, “Anatomy of a scandal” et la S5 de “Elite” qui continuent son petit bonhomme de chemin, 4 séries entamaient leur seconde semaine avec des destins divers. Et c’est “Heartstopper” qui s’en sort le mieux avec une progression de 65% par rapport à sa première semaine. Sans doute poussée par le bouche à oreille (la série affiche toujours une moyenne de 9/10 sur IMDb, pour 22000 notes), elle aborde avec de bonnes armes sa plus grande épreuve : le renouvellement pour une S2. Une annulation après un tel succès critique et public (dans une moindre mesure mais tout de même) serait franchement décourageant puisque cela n’entrerait pas dans le (nouveau) discours sur un focus vers la “qualité”.
“Hold tight” et “En un battement” progressent elles de 45% et 25% respectivement. Si “Hold tight” est une mini-série, on a appris le renouvellement de “En un battement” pour une S2. Les chiffres sont en effet excellents pour une série étrangère. C’est plus compliqué pour “Yakamoz S-245” qui affiche un recul de -41% en 2ème semaine pour atteindre les 6,4M d’EVC. Je ne mise pas sur sa présence dans le Top la semaine prochaine et le sort de la franchise “Into the night” est peut-être compromis.
Les nouvelles séries
Dans les chiffres que fournit Netflix, certains sont plus difficiles que d’autres à analyser : les nombreuses séries sud-coréennes avec une diffusion hebdomadaire par exemple, pour lesquelles l’EVC n’est pas une mesure vraiment indicative ou même utile pour comparer. Il y a aussi les telenovelas d’Amérique du Sud et leurs 300 épisodes de 45 minutes qui font beaucoup d’heures vues mais pour lesquelles l’EVC n’est pas non plus une bonne mesure. Et puis il y a les saisons séparées en deux que Netflix ne distingue pas. L’exemple de la semaine est la dernière partie de la S4 de “Ozark”. Avec 77M d’heures vues en 3 jours, c’est un peu plus que le démarrage de la S4A il y a trois mois. Mais comme Netflix ne distingue pas les deux parties, on ne sait pas la part de ces 77M d’heures vues qui relèvent du visionnage de la S4B et du visionnage de la S4A. L’EVC ne peut pas non plus être considérée comme fiable de fait. Donc je statuerai seulement en disant que ceux qui ont regardé la S4A de “Ozark” ont visiblement eu envie de voir la suite aussi.
Une autre série terminait ce vendredi, “Grace & Frankie” et avec 2M d’EVC en 3 jours, c’est vraiment un tout petit démarrage. On n’a aucun point de comparaison pour aucune des saisons précédentes mais si on compare avec les autres séries US dont on dispose, c’est vraiment dans le fond du classement.
Moment cocorico maintenant puisqu’une série française s’est glissée dans les Tops 10 cette semaine et il s’agit de la série “Les 7 vies de Léa”. Avec 2,2M d’EVC, elle réalise le moins bon démarrage d’une série française dans mon dataset (mais je n’en ai que 4, les autres comme “Drôle” n’ayant même pas eu les honneurs du top hebdo). On verra comment elle se comporte la prochaine semaine.
Les émissions.
Petit point sur “Selling Sunset” dont la S5 est sortie il y a deux semaines. Après un démarrage poussif par rapport à la S4, cette S5 est repassée devant la S2 pendant sa W2.
😵 Les absents notables.
Le principal absent cette semaine semble être le jeu TV “Bullshit: le grand jeu du bluff”. Je suis toujours circonspect quand je vois des streamers s’attaquer au genre du jeu TV traditionnel, en plateau, genre qui ne me parait pas particulièrement soluble dans la SVOD. Mais “Floor is lava” avait cartonné à sa sortie donc pourquoi pas.
⏭️La semaine prochaine.
Une petite semaine s’annonce mais on s’intéressera quand même au lancement de “The pentaverate”, la nouvelle série comique de Mike Myers dont le trailer ne donne pas véritablement confiance. Côté film, on aura surtout “Loin du périph’” avec Omar Sy et Laurent Lafitte. Peut-il réaliser le meilleur démarrage d’un film français depuis juin 2021 ? Vous aurez la réponse la semaine prochaine !
Recommandation liée à Netflix.
📕 ”Netflix & Cie : les coulisses d’une "(r)évolution” par Capucine Cousin. Il y a plusieurs reproches que l’on peut formuler à ce livre. Le premier n’est pas de sa faute puisqu’il tient au fait qu’il vieillit assez mal. Sorti fin 2018, beaucoup (beaucoup) d’eau a coulé sous les ponts depuis en termes de SVOD mondiale et le livre accuse son âge très vite à la lecture. Mais on peut facilement lui pardonner. Ce qui est plus gênant, c’est qu’on apprend finalement très peu de choses aussi bien sur Netflix que sur les autres streamers, pour un état des lieux qui reste très général (pour ne pas dire caricatural). La mise en ordre des idées et des différentes parties est assez éclatée au sein du livre et par trois fois, à différents moments du livre, on répétera ainsi que Matthew Wiener a signé avec Amazon pour une série appelée “Les Romanoffs” en étant rien de plus qu’un exemple. J’avais compris la première fois. L’impression de se trouver face à une succession d’articles pas forcément très bien montés entre eux se fait grandissante au fur et à mesure de la lecture, et on notera aussi des erreurs qui n’ont pas été corrigées (1989 la naissance de Napster, vraiment ?). Bref, on reste sur notre faim et j’imagine que ce livre s’adresse en priorité à des gens qui voudraient une porte d’entrée dans le domaine de la SVOD et cela faisait peut-être le taf en 2018. Je ne sauve qu’une seule partie, celle qui aborde les coulisses de l’arrivée en France de Netflix et qui aurait dû être bien plus développée. C’est là que le fait d’être une journaliste française se révèle être un avantage et permet d’avoir quelques informations en plus sur les relations en France entre Netflix et le secteur. Mais c’est bien maigre et l’intérêt de lire ce livre aujourd’hui l’est tout autant. ⭐/5
🎙️”Netflixers numéro 72 : Netflix perd son sang froid”. Un nouveau numéro de mon podcast Netflixers qui revient très longuement sur l’horrible mois d’avril de Netflix. C’est à écouter ici.
🔗 Ailleurs sur le web.
“Tudum Writers Cruelly Laid Off by Netflix Speak Out: ‘I Felt Like Adam Scott in ‘Severance’’, The Daily Beast. When it rains, it pours. Les ennuis continuent pour Netflix qui semble être en mode “terre brûlée”. Une dizaine de journalistes ont été virés quelques mois après le lancement du site TUDUM, qui devait être un relai promotionnel et éditorial autour des programmes Netflix. Déjà critiqué à son lancement, le voilà à nouveau pour ces licenciements dont la cause est assez trouble. Manque des résultats ? Réorganisation interne ? Dans tous les cas, les salariés virés sont en colère et à raison. TUDUM devrait continuer à exister mais sans doute avec des moyens réduits. Quant à son intérêt, je le cherche encore. Dans mon idée, il devait être un premier pas vers la transformation de l’appli Netflix en app de streaming mais aussi de lecture d’articles autour des programmes qu’on y regarde. Mais ça ne semble pas être le chemin que ça prend. Donc le mystère continue.
“Netflix Lost Subscribers, But It Really Lost Something Larger — Call It Mythology”, Variety. Owen Gleiberman n’a jamais été un grand fan de Netflix, il n’est donc pas étonnant de le voir se joindre à la litanie d’articles qui viennent taper sur le streamer après son premier trimestre 2022 décevant. Ici, il revient notamment sur l’annonce de Netflix de proposer une sortie cinéma “large” pour le prochain Inaritu et d’y voir une revanche du cinéma sur le streaming. C’est une interprétation possible, dans la lignée de ce qui s’est dit à la CinemaCon pendant laquelle les cinés US ont paradé en vainqueurs. C’est oublier un peu vite que Netflix a déjà fait des sorties larges de ses films, notamment “Roma” en 2018 qui est sorti dans des centaines de salles dans le monde. L’autre point est que ces mêmes cinémas ont perdu du terrain aux Etats-Unis sur la question de leur fenêtre d’exclusivité (de 90 jours, on est passé à 17-45 jours) et que c’est justement ce que réclamait Netflix pour envisager une exploitation ciné de ses films. Une fenêtre de 90 jours était trop longue, mais 17-45 jours, cela commence à être dans le domaine du possible puisque le maximum accordé par Netflix fut 30 jours pour “Marriage Story”.
Cet été, “The gray man” devrait avoir une fenêtre exclusive de 7 jours aux US. En France également, le changement en février 2022 du contours du visa d’exploitation temporaire qui permet de sortir un film en salles sans que ça déclenche la chronologie des médias est à l’avantage des streamers qui peuvent désormais envisager des sorties sur 500 séances pendant 2 jours avant une sortie SVOD. Netflix a toujours été pragmatique sur la sortie ciné de ses films et les circonstances sont désormais plus avantageuses qu’il y a encore quelques années. Moins une perte de mythologie, c’est davantage un alignement des planètes qui se profile, même si on attendra de voir la forme que prendra les sorties ciné Netflix pour ses films prestige.
Voilà pour ce compte-rendu pour la semaine du 25 avril au 1er mai 2022. Si vous avez des demandes précises de comparaisons ou de chiffres pour des programmes Netflix Originals passés ou présents (Quelle est la rom-com la plus populaire ? La série mexicaine qui a le mieux démarré ? etc.), n’hésitez pas à me demander sur Twitter ou à frederic@filmsdelover.com et j’en parlerai dans un prochain compte-rendu.